Stéphanie Dufresne – Environnement – 12 janvier 2022

En divisant son imposant projet de production porcine en trois, un promoteur qui souhaite s’installer à Saint-Adelphe contourne l’obligation légale d’avoir à réaliser une étude d’impact sur l’environnement.    

L’entreprise Culture Excel inc., qui appartient à Patates Dolbec, ne s’en cache pas : elle veut éviter la procédure du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). C’est la raison pour laquelle elle a déposé trois demandes distinctes de certificat d’autorisation pour son nouvel élevage porcin du rang Price, a expliqué son mandataire lors d’une présentation du projet devant des citoyens de Saint-Adelphe, le 14 décembre dernier. 

La triple demande répartit le cheptel de 11 997 animaux dans trois bâtiments, ce qui permet de soustraire le projet dans son ensemble au Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets (Q-2, r. 23,1). Bien qu’elles soient toutes installées sur le même lot par la même entreprise, les trois porcheries, conçues pour accueillir 3999 porcs d’engraissement chacune, se situeraient à plus de 150 mètres les unes des autres. Ce choix d’aménagement a ainsi permis à Culture Excel inc. de présenter trois projets distincts de moindre ampleur plutôt qu’un seul, qui aurait été assujetti au règlement.

Malgré le fait que le projet de production porcine prévu à Saint-Adelphe compte un cheptel de 11 997 porcs, aucune étude d’impact sur l’environnement n’a été réalisée. Photo : Shutterstock

S’il avait demandé l’autorisation pour un projet global de 11 997 porcs, le promoteur aurait été obligé de produire, à ses frais, une étude d’impact sur l’environnement. Le projet aurait aussi fait l’objet d’une période d’information publique du BAPE. Le règlement s’applique pour les élevages de 4000 bêtes ou plus. 

En procédant comme elle l’a fait, Culture Excel inc. prive donc la collectivité d’une étude approfondie des répercussions de ce projet de production animale sur le milieu environnant, tant physique que social et échappe également à toute consultation préalable aux autorisations gouvernementales. D’ailleurs, les trois projets ont obtenu toutes les autorisations provinciales pour aller de l’avant.  Seuls les permis de construction n’ont pas encore été délivrés par la municipalité de Saint-Adelphe.  

Des citoyennes réclament l’intervention du ministre de l’Environnement 

Privées d’une information complète sur les impacts environnementaux potentiels du projet sur leur milieu de vie et de la possibilité d’exprimer leurs préoccupations à l’intérieur d’une démarche transparente, des citoyennes du secteur se sont adressées à la députée de Champlain, Sonia Lebel. 

Elles ont demandé que le processus d’autorisation du projet soit suspendu, le temps que soient réalisées des études scientifiques sur les conséquences environnementales et sociales du projet. « Quel sera l’impact sur la qualité de l’eau, sur la circulation routière, sur le développement touristique, sur la collectivité ? Douze mille porcs, cela produit beaucoup de lisier.  Quelles seront les mesures de contrôle ? L’ampleur de ce projet nécessite une attention spéciale et du temps », estime Nathalie Lefebvre. 

Véronique Bégin, fondatrice du groupe d’opposants Contre la nouvelle industrie porcine à St-Adelphe sur Facebook croit que la première étape serait d’abord de « considérer ce projet comme un seul et même investissement ayant des effets dans la même région et sur les mêmes personnes. »   

Elles réclament de Sonia Lebel une intervention auprès du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoît Charrette, afin qu’il mandate le BAPE d’étudier le dossier. 

Selon des informations obtenues par un comité local de protection de l’environnement,  plusieurs projets de production porcine ont vu le jour dans les dernières années au Québec au moyen du même stratagème que permet de se soustraire à l’obligation de réaliser une étude environnementale. « Le processus d’autorisation est défaillant. C’est devenu une façon de faire habituelle, des porcheries de 3999 porcs. Cette loi est comme une passoire » déplore Nathalie Lefebvre.  

De fait, même s’ils sont assujettis au Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets depuis 2018, aucun nouveau projet porcin au Québec n’a encore eu à se soumettre à la procédure du BAPE.  

Isabelle Melançon, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’environnement et députée libérale de Verdun, fait valoir que le ministre de l’Environnement a le pouvoir discrétionnaire de demander au BAPE d’obtenir des réponses et d’éclairer la prise de décision. Celle qui a déjà occupé le poste de ministre de l’Environnement se désole que le gouvernement actuel demeure jusqu’à présent muet sur ce dossier. « La population a tout à fait raison de s’inquiéter », croit-elle. 

En juin dernier, à l’Assemblée nationale, la députée Melançon avait interpellé le ministre de l’Environnement à propos d’un dossier similaire à Maricourt, en Estrie, où des citoyens se préoccupaient de l’établissement d’une nouvelle porcherie de 3996 porcs bêtes. Le ministre n’avait pas donné suite à cette demande et la municipalité de Maricourt avait été mise en demeure par le promoteur d’émettre le permis de construction.

À Saint-Adelphe, une commission municipale étudie actuellement les conditions qui pourraient être associées à la délivrance des permis de construction. Elle doit produire un rapport consultatif pour le 4 février.  Selon la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, le pouvoir d’agir de la municipalité se limite toutefois aux mesures d’atténuation des odeurs et à l’économie d’eau.

 

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