Les lignes invisibles, Su J. Sokol, éditions VLB
Traduit pour la première fois en français, ce roman de 2014 met en scène un futur dystopique si proche que la réalité l’a presque rattrapé. On y suit une famille de militants de gauche et leur fuite à vélo depuis des États-Unis cauchemardesques jusqu’à un Québec plus accueillant, quoique tout n’y soit pas toujours rose pour autant. Vous n’aimez pas la science-fiction? Pas de panique, cet aspect n’est que très peu mis en avant. L’histoire s’attache surtout à dépeindre un parcours d’immigration chaotique et semé d’embûches, mais aussi de bons moments. Chaque membre de la famille rencontre des obstacles différents. Malgré la gravité de certains sujets, l’ensemble est traité avec beaucoup de douceur et de luminosité. On referme le livre avec une mince lueur d’espoir pour l’avenir… et une furieuse envie de balade à vélo.
Le vide, mode d’emploi, Anne Archet, éditions Lux
L’autrice anarchiste Anne Archet, principalement connue pour sa littérature érotique expérimentale, récidive cette fois avec un recueil d’aphorismes qui s’attaque à de nombreux thèmes d’actualité. Capitalisme, sexisme, désastre environnemental, rien n’échappe à la moulinette de sa verve sarcastique, qui parvient toujours à mettre le doigt là où ça fait mal. On ne sait pas trop, à la lecture de ce recueil écrit au vitriol, si l’on a plutôt envie de rire ou de pleurer. En quelques mots bien placés, Anne Archet pourfend sans pitié nos hypocrisies jusqu’à nous mettre mal à l’aise; et en même temps, on se surprend à rire (jaune) de l’absurdité du monde. À consommer avec modération : pour apprécier cette œuvre à sa juste valeur, mieux vaut la lire par petits bouts plutôt que de la dévorer d’un coup.
500 ans de résistance autochtone, Gord Hill, éditions Prise de parole
Une bande dessinée parfaite pour ce mois de juin, qui met à l’honneur les littératures autochtones. L’activiste Gord Hill, de la nation Kwakwakaʼwakw, adapte ici un essai consacré à l’histoire du continent américain depuis 1492, mais présentée d’un point de vue autochtone. Le renversement permet ainsi de reconnaître le rôle actif que les Premières nations ont joué dans leur propre histoire, et de mettre en lumière leurs tentatives de se dresser face aux brutalités de la colonisation blanche. On couvre de nombreux événements difficiles sur une grande période de temps. Mais même si le tout est très chargé, l’auteur parvient à garder une vue d’ensemble sur le sujet et une bonne lisibilité. Il y parvient notamment grâce à son style de dessin, clair sans être simpliste et riche sans être trop chargé pour autant. Une œuvre indispensable et une porte d’entrée idéale pour aborder ces sujets, qui donne des pistes pour les creuser ensuite avec d’autres ouvrages plus spécifiques.
– Marie Labrousse, collaboratrice, Librairie EXEDRE