Louis-Serge Gill, avril 2018
Le dernier budget du gouvernement fédéral octroie 112 millions $ de plus au Québec pour les services d’intégration et de francisation des nouveaux arrivants et des réfugiés. Au cœur de ces services, les formations en langue seconde et les agents d’intégration qui veillent à l’épanouissement de chacun dans sa communauté d’accueil. Dans le cadre de ce dossier sur les « Histoires d’inclusion » des nouveaux arrivants, La Gazette a choisi de se pencher sur les enjeux quotidiens et humains que soulèvent les cours de francisation en échangeant avec d’actuels et d’anciens formateurs.
Pour un nouvel arrivant ou un réfugié, la barrière de la langue peut avoir un impact plus ou moins grand sur son intégration. Ainsi, comme l’évoque Alexandre Mercier, formateur en francisation, l’aspect phonétique, les sons produits dans un échange, constitue le premier défi de taille. En effet, nombre des sons utilisés en français ne se retrouvent pas dans les autres langues. « Ensuite, un autre défi serait la syntaxe. Encore une fois, la syntaxe est différente d’une langue à l’autre, comme de l’arabe à notre langue », précise-t-il.
L’apprentissage d’une nouvelle langue n’est bien sûr pas l’unique défi auquel sont confrontés les apprenants. Tant M. Mercier qu’une autre répondante, ancienne formatrice en langue seconde, abondent dans le même sens : l’aspect affectif occupe souvent l’avant‑scène. « Les nouveaux arrivants arrivent en classe la tête encore dans leurs valises et le cœur dans l’avion. Ils n’ont pas encore les deux pieds sur terre qu’on leur demande de se concentrer huit heures par jour, malgré leur cellulaire qui leur rappelle les bombes qui tombent, leur famille qui attend dans un pays en guerre, les papiers à remplir, la course pour arriver à l’heure malgré la garderie et l’école des nombreux enfants, les rendez-vous médicaux, le nouveau rythme de vie, le manque d’argent… », soulignent-ils. Ainsi, la conciliation entre la vie de famille, le travail et les cours de francisation, de même que le déracinement occasionné parfois par des conditions difficiles (criminalité, guerre, etc.), rendent l’apprentissage complexe, voire improbable dans certains cas.
Le travail de formateur en langue seconde présente donc des défis de toutes sortes et les enseignants sont souvent appelés à s’éloigner de leurs tâches principales comme le souligne Marie-Mathilde Tessier, ancienne formatrice auprès de jeunes nouveaux arrivants à Montréal. « Nous sommes souvent leur premier contact, alors ils se sentent à l’aise de nous raconter toutes sortes de choses, de nous poser des questions, de nous raconter leurs inquiétudes. En rencontres de parents, souvent, on entend des histoires qui peuvent être très tristes. Et puis, avec les petits, c’est comme les classes de primaire régulières, la majorité des choses que l’on fait quotidiennement déborde de nos fonctions principales », affirme-t-elle. À échelle humaine, le travail de formateur en langue seconde, tout comme celui d’agent d’intégration, s’avère un travail de première ligne. Ces formateurs aident non seulement de nouveaux arrivants à mieux comprendre et parler la langue de leur pays d’accueil, mais ils créent aussi de véritables ponts entre deux cultures.