Alain Dumas, Économiste, avril 2018
À quelques mois des élections provinciales, Philippe Couillard s’attribue le mérite de la bonne tenue de l’économie du Québec depuis 2017. On est en droit de s’interroger sur la profondeur et sur la durabilité de cette relance économique.
À première vue, les chiffres impressionnent. Le PIB (production globale) du Québec a enregistré une hausse de 3 % en 2017, soit deux fois plus qu’en 2016. Le taux de chômage est sous la barre des 6 %; il est au-dessous du taux canadien.
Lorsqu’on analyse la situation de plus près, on constate que cette bonne performance repose en grande partie sur les dépenses de consommation des ménages, lesquelles ont peu d’effet durable sur l’économie. Les grands responsables de cette hausse sont les achats d’autos et d’appareils électroménagers qui ont connu des hausses respectives de 9 % et 23 %. La contrepartie de cette apparente bonne nouvelle est que ces achats portent sur des produits importés, ce qui entraîne des sorties d’argent du Québec. Cela est d’autant plus vrai que les importations ont augmenté deux fois plus vite que les exportations, ce qui creuse encore plus notre déficit du commerce extérieur.
Si certains allèguent que les consommateurs québécois sont confiants, il reste que ces dépenses de consommation reposent sur des achats à crédit. Les dettes des ménages augmentent plus vite que leurs revenus. Et comme le taux d’endettement atteint un niveau record et que les taux d’intérêt sont repartis à la hausse, cette situation annonce des lendemains moins réjouissants.
D’autres se targuent de la tenue exceptionnelle du marché du travail, cependant ils omettent d’examiner la situation de plus près. Une étude de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) montre que le taux de chômage réel est deux fois plus élevé que le taux de chômage officiel. Car la méthode de calcul du taux de chômage, qui n’a pas changé depuis 50 ans, ne tient pas compte des transformations sur le marché du travail, dont la montée des emplois temporaires et à temps partiel qui sous-estiment l’ampleur du sous-emploi réel.
Un simple rattrapage
Enfin, la hausse des investissements privés et des dépenses gouvernementales a aussi connu un bond en 2017. Mais cette hausse ne fait que compenser les deux années de sévère austérité budgétaire et de baisse de l’investissement productif des entreprises. Soyons réalistes, le gouvernement du Québec ne fait que redistribuer les centaines de millions de dollars qu’il a amputés dans les services publics.
Cette reprise n’a rien d’exceptionnel, puisqu’elle s’appuie sur un rattrapage de dépenses pour la majorité des acteurs économiques. On ne peut donc pas parler d’une reprise durable.
Les données les plus récentes indiquent que l’économie a recommencé à ralentir depuis la fin de 2017. Toutes les prévisions économiques vont dans le sens d’un ralentissement en 2018. Les récentes baisses d’emplois tant au Québec qu’à l’échelle canadienne semblent confirmer un retournement de la situation.