
Suite à l’annonce de la baisse du chômage en février, certains commentateurs se sont empressés de vanter la bonne santé du marché du travail. Toutefois, force est de constater que la baisse du chômage officiel ne veut pas dire que la qualité de l’emploi s’améliore. Statistique Canada annonçait que 2760000 emplois avaient été créés au cours de la dernière année, cependant que le nombre d’heures travaillées avaient diminué de 0,8 %. Comment se fait-il que les heures travaillées diminuent alors que les emplois augmentent? Tout simplement parce que 70 % des emplois créés depuis un an sont des emplois à temps partiel.
La précarisation des emplois s’accélère depuis quelques temps. En effet, la hausse des emplois à temps partiel a été 9 fois plus grande que la hausse des emplois à temps plein depuis un an. Depuis la grande crise de 2008-2009, la proportion des emplois à temps partiel ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui, un Canadien sur cinq occupe un emploi à temps partiel. Pour près d’un million de Canadiens, cette situation est involontaire, selon Statistique Canada.
Baisse de la qualité des emplois
Il n’y a pas que le temps partiel qui gagne du terrain. Il y a aussi les bas salaires qui augmentent plus vite que les autres. Selon la banque CIBC, les emplois dont le salaire est inférieur au salaire moyen progressent constamment depuis une vingtaine d’années: ils représentent 61% de tous les emplois aujourd’hui. La banque CIBC, qui a élaboré un indice de la qualité des emplois (voir graphique ci-contre), arrive à la conclusion que la « qualité de l’emploi a été sur une trajectoire évidente vers le bas au cours des 25 dernières années, et que d’un exercice à l’autre, l’indice est en baisse de 1,8% »[1]. En 2016, les salaires réels ont aussi baissé, puisque les salaires ont augmenté moins que les prix. Cette faible progression des salaires, ou la baisse des salaires réels, explique dans une large mesure la baisse des salaires dans la richesse nationale (PIB), comme le montre la figure ci-contre.
Indice de qualité de l’emploi CIBC
Récemment, la Banque du Canada a élaboré un indice du marché du travail (IMT), lequel montre que la proportion des chômeurs de longue durée a doublé depuis 2009; ceux-ci représentent plus de 20 % de tous les chômeurs aujourd’hui. Pour ces chômeurs, les perspectives d’emplois sont si faibles qu’on les surnomme chômeurs découragés, ce qui signifie qu’ils souhaitent travailler, mais qu’ils ne cherchent plus aussi activement un emploi. Ces chômeurs cachés ne font donc pas partie des statistiques officielles du chômage.
C’est pour cette raison que le taux de chômage officiel de 6,8% annoncé en février sous-évalue l’ampleur du chômage réel. Selon Statistique Canada[2], le taux de chômage réel se situe à 10,3%, quand on tient compte du chômage caché. En plus des chômeurs découragés, on retrouve aussi des chômeurs qui attendent d’être rappelées par leur ancien employeur ainsi que les 9000000 travailleurs à temps partiel sur une base involontaire. Et si on ajoute les milliers de chômeurs qui se sont retirés du marché du travail pour se recycler, le taux de chômage réel atteint 11%, et non 6,8% comme l’indique la statistique officielle.
Toutes ces données nous amènent donc à conclure que la santé réelle du marché de l’emploi se détériore.
Sources :
[1] Employment Quality—Trending Down, Benjamin Tal, Canadian Employment Quality Index, Banque CIBC, 5 mars 2015.
[2] Statistique Canada, Enquête sur la population active (EPA), estimations des taux supplémentaires du chômage, 9 février 2017.