On apprenait récemment que près de la moitié des Canadiens n’arrivent pas à boucler leur fin de mois. Il leur manque parfois jusqu’à 200 $ pour régler leurs paiements. Dans bien des cas, c’est la marge ou la carte de crédit qui sert à combler les besoins de base. En effet, le taux d’endettement moyen atteint aujourd’hui 171 % du revenu disponible des familles. Depuis vingt ans, les dettes personnelles augmentent plus rapidement que les revenus. Comment expliquer une telle précarité financière dans un contexte actuel de quasi plein-emploi ?
Des études montrent que la dégradation du pouvoir d’achat des ménages en est la cause. On est donc loin des préjugés tels la négligence ou la mauvaise gestion du budget familial.
Plein-emploi et faibles salaires
Un mystère plane sur la planète économique : le chômage baisse mais les salaires restent faibles, nous apprend l’OCDE. Au Canada et au Québec, certains secteurs vivent même une pénurie de main-d’œuvre et pourtant les salaires bougent peu. Selon la théorie économique, la rareté grandissante de la main-d’œuvre devrait entraîner des hausses de salaires de plus en plus fortes.
Depuis la crise de 2008, les hausses de salaires sont inférieures de moitié à ce qu’elles étaient auparavant. Pour une grande partie de la main-d’œuvre, les hausses salariales sont si faibles qu’elles ne couvrent pas la hausse générale des prix (l’inflation). Selon un rapport de McKinsey Global Institute, intitulé Plus pauvres que leurs parents (2016), les deux tiers des ménages des pays riches ont vu leur revenu réel stagner ou baisser depuis 2005. Des pans entiers de la population voient donc leur pouvoir d’achat diminuer depuis une vingtaine d’années. Rien d’étonnant que les fins de mois soient de plus en plus difficiles.
Des économistes expliquent ce phénomène par la faible hausse de la productivité. Or, depuis l’an 2000, la hausse des salaires n’a été que de 7 % alors que la productivité du travail augmentait de 17 %, selon le Bureau international du travail (BIT). Une vaste étude du FMI constate que l’écart grandissant entre la productivité et les salaires a entraîné la baisse de la part des salaires partout dans le monde.
Plein-emploi et précarisation des emplois
Des organismes comme le FMI, le BIT, l’OCDE et la Banque du Canada se sont penchés sur les causes de la faiblesse des salaires. On y apprend que la cause principale est l’affaiblissement du pouvoir de négociation salariale de la main-d’œuvre qui serait attribuable à quatre phénomènes. D’abord, la mondialisation qui met en concurrence les travailleurs (et la crainte de perdre son emploi). D’autre part, la baisse de moitié du taux de syndicalisation depuis trente ans. Ensuite, la concentration industrielle qui réduit le nombre d’employeur en concurrence. Enfin, les emplois se précarisent; les emplois temporaires, sur appel et à temps partiel non choisi ont doublé depuis vingt ans. Des solutions? Rétablir le rapport de force entre la main-d’œuvre et la grande industrie. Le magazine The Economist créait récemment la surprise en proposant de faciliter la syndicalisation comme moyen d’augmenter le pouvoir de négociation salariale et le pouvoir d’achat de la population.