L’heure est au bilan pour la ville de Trois-Rivières alors qu’elle amorçait récemment la 3e édition de son budget participatif. Jusqu’ici, les projets retenus concernent essentiellement des quartiers mieux nantis de la ville et la formule utilisée pourrait bien être la cause de cette iniquité.
Le concept de budget participatif, né au Brésil à la fin des années 1980, visait initialement à réduire les inégalités sociales. Pour ce faire, de grandes assemblées publiques étaient organisées afin que les citoyen(ne)s définissent ensemble leurs besoins et co-construisent les projets sur la base de critères de justice sociale. Les résultats ont été frappants dans des villes comme Porto Alegre où une redistribution plus équitable des ressources vers les quartiers plus pauvres s’est alors opérée.
Depuis, le concept de budget participatif a fait beaucoup de chemin et a été repris par des milliers de villes occidentales, mais les fondements de justice sociale et de gouvernance collaborative n’ont pas toujours suivi. Au Québec, comme ailleurs, plusieurs villes ont choisi d’adopter un modèle plus simple et dans lequel la démarche est davantage individuelle que collective, ce qui pourrait expliquer, au moins en partie, que les populations favorisées soient avantagées.
Impliquer les communautés défavorisées à Trois-Rivières
Sylvie Tardif est directrice à COMSEP, un organisme venant en aide aux gens en situation de pauvreté. Ex-conseillère municipale, elle est aussi de ceux et celles qui ont milité en faveur de l’implantation d’un budget participatif à Trois-Rivières: «J’en rêvais depuis longtemps, et le fait que les membres du conseil municipal aient finalement été capables d’ouvrir cette porte-là, c’est déjà beaucoup. Maintenant, on doit aller plus loin et travailler à inclure les personnes en situation de pauvreté dans le processus».
Selon elle, si la ville désire rendre son programme plus équitable, il faudra fournir un meilleur accompagnement pour revenir vers un modèle collectif: «La ville pourrait par exemple mobiliser les gens, animer des ateliers et permettre la co-construction des projets. La volonté est là: chez nous (à COMSEP) les gens nous parlent chaque année de leur désir de participer (…) mais il faut des ressources pour les accompagner».
Vers une inversion de la tendance au Québec?
Ailleurs au Québec, des municipalités et des arrondissements ont choisi de s’éloigner du modèle dominant individuel pour revenir au concept collaboratif de co-création. Isabelle Gaudette, qui est coordinatrice de projets participatifs au Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM), en a d’ailleurs accompagné plusieurs: «(Au CEUM) nous prônons le développement des idées collectives avec des ateliers où l’on explore les idées ensemble. On ne veut pas que le budget participatif devienne un simple concours de popularité. C’est plutôt une occasion de partager des connaissances sur la vie municipale avec les communautés».
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Suite aux ateliers collaboratifs, d’autres moyens permettent aussi d’améliorer l’équité du processus: «Par exemple, en utilisant uniquement le vote électronique, on va favoriser la participation des citoyens les plus éduqués, c’est démontré. On peut donc ajouter le vote papier, mais surtout, on doit aller chercher le vote sur le terrain: dans les organismes, si on veut améliorer la représentation de certaines communautés sous-représentées, ou encore dans des écoles, si on veut améliorer la représentation des jeunes».
Pour une ville qui désire améliorer ses pratiques, la première étape est de faire un bilan de son programme en vue de documenter qui participe… et qui ne participe pas: «L’analyse des données sociodémographiques permettra ensuite de mettre les efforts aux bons endroits pour bonifier la participation», conclut Mme Gaudette.