Carol-Ann Rouillard, janvier 2019
Le financement des médias était sur toutes les lèvres au dernier congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Pistes de solutions pour traverser la crise, obtenir un meilleur financement et impacts de leur sous-financement ont fait l’objet de panels et de discussions tout au long du week-end.
Avec la perte de revenus publicitaires, la diminution du nombre de journaux papiers et les pertes d’emplois successives dans plusieurs médias, il ne faut pas s’étonner que ce sujet soit sur toutes les lèvres et que les journalistes s’inquiètent de l’avenir de leur profession.
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Mais le financement des médias est loin d’être le seul défi auquel les journalistes devraient s’attarder. La crise de confiance de la population à l’égard des médias et du travail journalistique est tout aussi, sinon davantage, préoccupante que le volet financier.
À l’ère des fausses nouvelles et du sensationnalisme (le sang, le sexe, le sport attirent plus de clics que des sujets sérieux tels que la politique, sauf quand il s’agit du style vestimentaire), la crédibilité des médias et du travail journalistique est mise à rude épreuve. Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner de voir autant de gens douter de la fiabilité de l’information médiatique et dénoncer la propension des journalistes à monter une affaire en épingle.
Mais ces gens oublient souvent qu’elles et ils ont une part de responsabilité dans ces phénomènes et que la faute ne revient pas qu’aux médias. Les nouvelles sensationnalistes vendent : elles attirent un auditoire, suscitent des clics, des commentaires, etc. Difficile de choisir de s’en priver pour se concentrer sur des sujets sérieux qui attirent un auditoire et un lectorat plus restreint et, par le fait même, moins de revenus.
Pour réclamer un meilleur financement public et critiquer les pertes d’emplois, les journalistes ont raison d’exprimer publiquement l’importance de leur travail dans le maintien de la démocratie. Il est fondamental! Mais quand les gens doutent de leur travail et voient les faux-pas sensationnalistes, cet argument s’épuise et perd de son effet. Pour que les gens adhèrent à l’idée des médias comme chien de garde de la démocratie, encore faut-il que cette idée leur soit démontrée et expliquée – et pas qu’une seule fois.
On entend trop peu les journalistes expliquer concrètement l’importance de leur travail à partir de cas concrets. Tout le monde se rappelle, en cherchant un peu, du scandale des commandites qui a été mis au jour grâce à un journaliste, mais c’était il y a quelques temps déjà. Et on tend parfois à oublier ou à minimiser l’importance de ces cas avec le temps.
Trop peu souvent, également, entend-on les journalistes réclamer publiquement plus de temps pour peaufiner leur réflexion et fouiller davantage leurs dossiers. Pourquoi n’est-il pas expliqué à la population qu’un meilleur financement les contraindrait moins à produire des nouvelles « qui vendent »? Voilà une solution concrète aux critiques que la population adresse aux journalistes à laquelle les gens seraient plus susceptibles d’adhérer – surtout que ce financement est susceptible de provenir de fonds publics.
Le travail quotidien doit aussi être digne des prétentions qu’ont les journalistes de l’importance de leur travail. Tous les journalistes ne sont pas membres de leur Fédération et celle-ci ne peut exercer de rôle punitif auprès des journalistes qui enfreignent des règles déontologiques. Or, un rôle aussi fondamental au sein de la démocratie, mériterait que l’on voie s’exercer un contrôle serré à l’égard des standards et des normes déontologiques du milieu journalistique.