L’endettement est un sujet populaire dont on discute régulièrement sur toutes les tribunes. Avec raison : le niveau d’endettement de la classe moyenne est plus élevé que jamais et le nombre de faillites personnelles ne cesse d’augmenter. On ne parle toutefois pas beaucoup de ce qui place le plus souvent les individus dans une situation d’endettement : le consumérisme, cette habitude généralisée qui consiste à acheter sans cesse plus de produits et de services pour répondre à des besoins qui ne sont jamais complètement satisfaits.
Chaque année depuis 10 ans, l’Observatoire de la consommation responsable de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM réalise une enquête sur les comportements des Québécois pour nous brosser un portrait de l’évolution de la consommation responsable. Ainsi, dans l’édition 2019 du Baromètre de la consommation responsable, on peut observer les gestes qui ont le plus évolué, tel que refuser les sacs de plastique dans les magasins ou se servir d’une gourde d’eau réutilisable.
Toutefois, d’autres comportements tardent à s’implanter dans les habitudes. La « déconsommation », qui est l’action de réduire ses achats de biens non essentiels, n’a que très peu évolué dans les 10 dernières années. Or, se poser davantage la question popularisée par Pierre-Yves McSween « En as-tu vraiment besoin? » avant de faire un achat, permet non seulement d’adopter le meilleur comportement de consommation responsable qui soit, mais aussi de s’affranchir de l’endettement personnel.
Il y a en réalité très peu de différence entre la logique qui crée l’endettement et celle qui nous porte à consommer. Dans les deux cas, on se procure une dose de plaisir ou de joie à court terme (et souvent de courte durée) contre un coût à long terme. S’endetter veut dire que l’on emprunte de l’argent contre la dose de plaisir. Consommer nécessite aussi de fournir quelque chose en échange de ce plaisir : de l’argent que nous avons gagné contre notre énergie vitale, sous forme de travail. Dans les deux cas, quand la joie de l’acquisition s’est estompée ou que l’objet est devenu usé ou désuet, on ne retrouvera pas l’argent dépensé.
Consommer : une construction sociale
Les théoriciens économiques classiques croient qu’il est dans la nature humaine de vouloir continuellement améliorer ses conditions matérielles. Selon ce postulat, l’être humain aurait donc une disposition innée à vouloir continuellement consommer plus pour répondre à ses désirs illimités. C’est ce qui nous pousserait à l’achat et à l’endettement, actions qui alimentent, du même coup, la croissance économique.
Mais est-ce que ce besoin d’acquérir sans fin est réellement dans notre nature intrinsèque? Dans son dernier livre, « Guérir du mal de l’infini » le sociologue et professeur au HEC Yves-Marie Abraham questionne cette conception naturaliste de la croissance, et démontre plutôt qu’il s’agit d’une construction psychologique moderne. À preuve, les sociétés de chasseurs-cueilleurs, la forme d’organisation sociale la plus répandue de l’histoire, se contentaient fort bien de leur sort sur le plan matériel sans chercher à accumuler davantage.
Sortir du consumérisme
Il ne fait aucun doute que la surconsommation est l’une des sources de l’endettement des individus et des familles au Québec. Elle génère par ailleurs une énorme quantité de déchets. En Mauricie, le Service d’aide au consommateur-région 04 (SAC) réalise des actions dans le but de sensibiliser la population sur des enjeux liés à la consommation. Le Centre d’intervention budgétaire et sociale de la Mauricie (CIBES), offre pour sa part des services-conseils à des familles et à des individus qui vivent des difficultés liées au budget, à l’endettement ou à la consommation.
Conjointement, ils invitent la population à réduire sa consommation globale et à se questionner sur la nécessité d’acheter autant. Selon les représentants de ces organismes, l’accumulation de biens n’aurait plus rien à voir avec la notion de besoin, la consommation fait plutôt appel « au désir et aux émotions au détriment de la raison et de l’écologie ». Il est bien connu qu’au-delà d’un certain seuil de confort, l’acquisition de plus d’objets ne rend pas plus heureux. Par ailleurs, être endetté crée des sentiments de servitude et d’insécurité, deux choses que la plupart des gens s’efforcent généralement d’éviter.
Sur une planète aux ressources limitées, l’économie ne peut pas croître éternellement. À la lumière de tout cela, assisterons-nous à un déclin de la mentalité consumériste? La sobriété gagnera-t-elle du terrain sur une consommation nuisible pour le tissu social et l’environnement? Pour plusieurs, l’espoir réside dans le mouvement de la déconsommation, qui s’installe tranquillement sur des valeurs solides en faveur d’un mode de vie où le bonheur et la liberté se trouvent ailleurs que dans les biens matériels.