S’il est vrai que le vieillissement démographique pose des défis socioéconomiques, il est cependant faux de prétendre qu’un « choc démographique » frappera la société québécoise dans un proche avenir. Pareille vision a de quoi entretenir de nombreux mythes économiques à l’endroit des personnes aînées : elles seraient toutes à la retraite, inactives, riches et gâtées, ne paieraient pas d’impôt et coûteraient cher à la société. Bref, le vieillissement serait sur le point de nous mener à une impasse. Qu’en est-il au juste ?
Le vieillissement de la population québécoise n’est pas un phénomène nouveau : il est en marche depuis plusieurs décennies. Il serait même sur le point de ralentir, selon la plus récente mise à jour de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) en 2024. On y apprend que le nombre des 0-19 ans et des 20-64 ans augmentera plus que prévu, alors celui des 65 ans et plus croîtra moins que selon les prévisions antérieures, de sorte que le poids des personnes de 65 ans et plus se stabilisera autour du quart de la population d’ici quelques années. Cette prévision révisée s’explique par la hausse de la migration internationale et par une espérance de vie un peu plus faible chez les 65 ans et plus.
Le mythe des personnes aînées inactives
On confond souvent les personnes aînées et les retraité-es. Contrairement au mythe selon lequel l’ensemble des aîné-es sont à la retraite, c’est le contraire qu’on observe. L’âge moyen de la retraite ne cesse d’augmenter au Québec depuis un quart de siècle. Il est passé de 58,4 ans à 64,7 ans depuis 1998. Quant aux personnes de 65 ans et plus, elles sont également davantage actives sur le marché du travail. Leurs taux d’activité et d’emploi ont augmenté de 165 % et de 158 % depuis 1998. Par ailleurs, l’ISQ a révisé une autre donnée importante : le taux de dépendance – soit le nombre de personnes « à charge » de 0-19 ans et de 65 ans et plus par rapport aux personnes actives de 20-64 ans – sera stable à partir de 2031, et il sera même inférieur au taux des années 1960.
Les aîné-es ne paient pas d’impôt
Il est faux de prétendre que les personnes aînées ne paient pas d’impôt. Plus de la moitié des celles-ci ont un revenu imposable au Québec. Le nombre de contribuables de 65 ans et plus a plus que doublé entre 1997 et 2021, passant de 825 000 à 1,75 million, soit une hausse de 112 %, alors que le nombre total de contribuables n’a augmenté que de 31 %.
Une génération riche et gâtée
Il est également faux de considérer les personnes aînées comme riches et gâtées. Selon la mesure de faible revenu, le taux de pauvreté des 65 ans et plus a doublé depuis 2000. À l’instar du reste de la société, les personnes aînées subissent de plus en plus d’inégalités. Étant donné le faible pourcentage des travailleurs et travailleuses ayant un régime de retraite agréé, plus de la moitié des personnes de 65 ans et plus ne disposent pas d’un revenu suffisant pour vivre décemment. Elles ne reçoivent que la sécurité de la vieillesse, soit un montant de 707 $ entre 65 et 74 ans et de 778 $ à partir de 75 ans, ainsi que le supplément de revenu garanti à partir de 65 ans, selon le statut matrimonial.
Les personnes âgées coûtent cher en santé
Un autre mythe qui circule abondamment est celui de l’explosion des coûts de la santé imputable aux personnes aînées. Or, la première année de vie coûte plus cher en soins de santé que les 78 années suivantes, et il en va de même pour la dernière année de vie, qui coûte trois fois plus cher l’année précédant le décès. L’effet du vieillissement sur les coûts de santé est donc beaucoup plus lié à la structure d’âge.
D’ailleurs, le vieillissement n’est pas la principale cause de la hausse des dépenses publiques en santé. Dans une étude portant sur une période de 40 ans (de 1976 à 2015), le Directeur parlementaire du budget conclut qu’à peine 9,9 % de la hausse des dépenses en santé était attribuable au vieillissement démographique, tandis que 49,2 % l’était à l’inflation, 25,4 % à la hausse du coût des médecins, des médicaments et des nouvelles technologies, et 15,5 % à la hausse de la population.
Force est de constater que les préjugés l’emportent trop souvent sur les faits et la réalité. Le vieillissement démographique est un phénomène qui touche la plupart des pays occidentaux et le Japon. Il est tout à fait prévisible et assez lent pour que l’on puisse s’y adapter. Seule une discussion éclairée, transparente et démocratique permettra d’y faire face dans le plus grand respect de tous et de toutes. L’approche simpliste prédisant un « tsunami gris » ne peut que contribuer à accentuer l’âgisme dans notre société et, par conséquent, la discrimination fondée sur l’âge.