Alain Dumas, juin 2019
Depuis l’apparition des premières microbrasseries au milieu des années 1980, beaucoup de bière a coulé dans les régions du Québec. Trente ans plus tard, la province compte 218 microbrasseries qui offrent près de 850 bières différentes. Le nombre de ces entreprises brassicoles a doublé au Québec depuis six ans, tant et si bien qu’elles détiennent maintenant 10 % du marché québécois de la bière. Ces nouvelles brasseries sont disséminées dans l’ensemble des régions du Québec. La majorité d’entre elles se trouvent dans des villes petites et moyennes. La Mauricie ne fait pas bande à part avec ses 14 microbrasseries, qui représentent 6 % du total québécois. Regroupées en association, douze de ces microbrasseries lançaient récemment la Route des Brasseurs de la Mauricie, initiative qui consiste à offrir un passeport de découverte des bières fabriquées dans ces douze brasseries (bientôt treize) de la région. De plus, nos brasseurs régionaux ont convenu de développer chaque année une bière collaborative, laquelle mettra en commun leur expertise complémentaire et l’utilisation de plus 400 kilos d’ingrédients locaux (malt, houblon, fruits, etc.). Pourquoi un tel engouement ?
La montée des microbrasseries n’est pas étrangère au mouvement d’achat local qu’on observe dans certains domaines, dont celui de l’alimentation. Alors que les 1 400 marques de bières très connues sont entre les mains de trois mégabrasseries mondiales (Heineken, Calsberg, AB Inbev-SabMiller), un nombre grandissant de personnes recherchent des produits différenciés et des saveurs locales. Les nouveaux entrepreneurs-brasseurs semblent répondre à ce mouvement; ils sont fièrement attachés à leur région et fortement engagés dans leur localité. C’est pourquoi, pour bon nombre d’entre eux, le profit n’est pas une fin en soi, mais un moyen de développer des bières de qualité et des saveurs différentes. Si certains brasseurs ont opté pour la formule coopérative, la plupart sont animés par un esprit de collaboration qui les éloigne de tout désir de contrôle du marché régional. Les retombées locales Depuis dix ans, la quantité de bières produites par les microbrasseries a augmenté de 80 % au Québec. Il va sans dire que cette forte croissance a un impact positif sur les affaires des fournisseurs d’ingrédients locaux, comme en témoignent la très forte hausse récente de la production québécoise de houblon et les dizaines de millions de dollars de retombées économiques enregistrées dans le domaine agricole depuis quelques années. L’apport des microbrasseries se mesure aussi par les investissements et les salaires directement injectés dans l’économie locale. Puisque la bière produite localement remplace la bière provenant des grands centres de production à l’extérieur de la région, les microbrasseries ont permis de créer quelque 5000 emplois qui ont des retombées directes dans l’économie locale. En effet, les dizaines de millions de dollars versés en salaires sont à leur tour dépensées dans l’économie locale, générant de nouveaux revenus et de nouvelles dépenses dans le circuit régional. De même, les dépenses d’investissement, qui augmentent de 30 % par année depuis le début des années 2010. se traduisent par l’achat de matériaux et de services locaux. Enfin, la Route des brasseurs, qui représente un investissement de 100 000 dollars dans la région, aura un impact sur le tourisme régional pendant les périodes estivale et automnale. Au-delà des chiffres, l’industrie des microbrasseries possède une valeur ajoutée inestimable, soit celle du développement d’un savoir-faire régional qui s’exporte de plus en plus dans le monde.
Sources :
Frédéric Lacroix-Couture, Le boom des microbrasseries au Québec, Les Affaires.com, 16 décembre 2015.
Simon Rioux, La bière, entre terroir et savoir-faire local, Mémoire de Maîtrise, Université Laval, 2019, 199 pages.
Association des microbrasseries du Québec, Mémoire déposé à la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise, 2015, 35 pages. яндекс