C’est avec joie que je reprends la chronique économique à la Gazette de la Mauricie. Dans un monde où nous sommes bombardés de statistiques et d’acronymes (PIB, IPC, OMC, EPA, etc.), mon objectif sera de décrypter l’information et le discours économique ambiant. Pour ce faire, je tenterai de traduire le plus clairement possible les propositions des décideurs de ce monde qui, soit dit en passant, consultent régulièrement les économistes.
Cette tâche est d’autant plus essentielle que les économistes utilisent un jargon sophistiqué et parfois difficile à comprendre. L’économie est présentée comme une science neutre, voire exacte. Pourtant, les phénomènes économiques reposent sur des êtres humains qui interagissent dans un univers social et politique donné.
L’économie : c’est quoi ?
Il n’existe pas de consensus sur la définition de l’économie, pas plus que la science économique est neutre. Le mot économie provient du grec « oikos nomos », qui signifiait la meilleure utilisation des ressources de la maison (ou d’un pays) pour répondre aux besoins de ses membres. L’économie est donc vue comme un moyen (gérer) pour atteindre un but (répondre aux besoins de la société).
Or, à la fin du XIXe siècle, une autre vision de l’économie (encore dominante aujourd’hui) prend le dessus. L’économie devient la science de la maximisation du profit et de la consommation individuelle. L’économie devient donc une fin en soi.
Selon cette vision, l’économie serait régie par des lois naturelles, car les décisions individuelles résultent d’un calcul coût-bénéfice. Cette vision mécanique de l’économie évacue alors l’histoire, le social et le politique de son champ d’analyse. Lorsque l’ex-Première ministre d’Angleterre Margaret Thatcher a affirmé que « la société n’existe pas », elle traduisait cette vision néolibérale d’une économie dans laquelle les individus peuvent et doivent s’en sortir seuls; une économie où l’État n’a pas sa place.
Nous pouvons donc distinguer deux grandes visions de l’économie : celle qui cherche à combler les besoins d’un maximum de personnes, et l’autre qui privilégie la satisfaction maximale des besoins individuels. Bien que le point de vue néolibéral domine dans l’espace politique et médiatique, nous devons retenir qu’il existe d’autres manières de voir l’économie. C’est ce que je tenterai de présenter dans le cadre des sujets traités.
Un exemple de décryptage
Par exemple, des économistes et des intervenants affirment que le manque de « littératie financière » (connaissance financière) est la cause de « l’impréparation à la retraite » de nombreux citoyens[1]. La faute serait donc imputable à l’individu qui ne s’informe pas. Pourtant, des sondages[2] révèlent que c’est plutôt le manque de revenus qui constitue le premier obstacle à la préparation de la retraite. Alors, comment peut-on affirmer le plus sérieusement du monde qu’il soit inconcevable que les gens se préparent mal à la retraite quand près de la moitié des Québécois gagnent moins de 20 000 $ par année ?
Alain Dumas, Économiste
gazette.economie@gmail.com
[1] Alain Dubuc, « La littératie financière », La Presse, 14 février 2011.
[2] Littératie financière au Canada – Faits saillants du sondage 2011, Groupe Investors.