Au moment de préparer ce dossier sur le territoire et l’urgence climatique, une entrevue avec Christian Savard le directeur de Vivre en ville est apparue comme étant incontournable. Cet organisme se propose en effet de voir autrement le développement de nos collectivités. Non seulement il se démarque par la pertinence de sa mission, mais il se distingue par l’accent qu’il met sur la production des connaissances rigoureuses et par un nombre impressionnant de réalisations en matière d’aménagement urbain viable.

Christian Savard est directeur de Vivre en ville, un organisme voué à l’aménagement viable de nos collectivités. Crédits: Gracieuseté
Un article récent de Christian Savard abordant de front la question de la décroissance avait attiré mon attention. D’entrée de jeu, j’ai voulu en savoir davantage.
« Tout d’abord, précise-t-il, il ne faut pas oublier que notre obsession de la performance n’est pas bonne conseillère. C’est là que réside cette idée reçue que la livraison sans cesse accrue de permis de construction et le fait de pousser à bout la machine du développement domiciliaire sont les clés du développement urbain ». Mais comment en sommes-nous arrivés là ? « En partie bien sûr parce que la fiscalité municipale le veut ainsi », me répond-il. Et d’ajouter : « Tout se passe comme si le rôle des municipalités avait consisté jusqu’à maintenant à faire pousser des bungalows. Sur le coup les promoteurs s’enrichissent et l’argent rentre dans le coffres de la ville. Mais à long terme, il faut entretenir les infrastructures, chercher de nouvelles sources d’eau potable, voir disparaître des centaines d’hectares de terres agricoles, compenser les dégâts causés par la pollution, etc. Ce cadre administratif doit être remplacé de toute urgence. Bien sûr! »
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Selon M. Savard, il est possible de développer des collectivités viables tout en maintenant un niveau de vie très acceptable. « Pour cela il importe d’adopter un mode de vie où l’esprit de sobriété prend le pas sur la folie des grandeurs. Il faut construire mieux, moins vite. Il importe d’aménager une vie de proximité, se doter d’équipements collectifs, adopter des transports contributifs à une saine occupation du territoire et favoriser les déplacements actifs. Et suivant cette erre d’aller, ce qui se crée au bout du compte c’est quelque chose, au-dessus de nos têtes, comme une solide intelligence collective. Grâce à elle nous serons toujours nombreux à voir plus loin que le bout de notre clôture, à se voir ancrés dans un ensemble plus vaste que notre personne, à nous savoir capables d’agir sagement et savamment pour venir à bout de nos insuffisances et nos nuisances écologiques… ».
Bien! Mais comment y arriver quand on sait l’hostilité d’une bonne partie de la population envers telle ou telle restriction réglementaire concernant l’aménagement du territoire? « D’où, s’empresse-t-il de répondre, l’importance de la mobilisation citoyenne. Et sur ce plan, l’actualité récente nous fournit des exemples encourageants. Plus le dialogue s’établira sur les enjeux de société liés à l’environnement, plus cette question sera prise en compte par la classe politique. Et au final, c’est non seulement les collectivités qui s’en porteront mieux, mais la vie démocratique elle-même. »
En le quittant, m’est venue en tête ce vers de Pierre Perrault tiré de son recueil J’habite une ville : « Voilà donc le lieu où nous vivons et ce qui reste à vivre ».