Début mai, je quitte famille et amis au Québec pour retrouver le Burundi, ma patrie. À peine arrivé, les clameurs des affrontements entre policiers et manifestants se rendent jusqu’à mes oreilles, transportées tantôt par le vent de la liberté, tantôt par celui de la répression.
En cette période électorale où le président veut briguer un troisième mandat inconstitutionnel, le peuple sort, pour la première fois main dans la main, au nom d’une démocratie fragile. Un sentiment d’émerveillement m’habite lorsque je photographie ces femmes des quartiers marchant dignement pour la liberté en défiant les fusils. Je ne peux m’empêcher de penser à ceux qui ont déjà payé le prix fort de ce combat : 100 personnes tuées par les forces policières et plus de 200 disparitions liées aux manifestations, sans compter les quelque 80 000 réfugiés dans les pays limitrophes.
Le président organise savamment sa réélection en juillet. Le combat semble avoir été perdu. Pourtant, je ne peux m’empêcher de ressentir un certain soulagement: si ces affrontements avaient eu lieu il y a 15 ans, ils auraient certainement replongé le pays dans des massacres interethniques. Nous avons évité le pire, et c’est déjà une grande victoire.
Ce sont de petites victoires comme celles-là qui me motivent à poursuivre mon combat. Parce qu’une société libérée de l’ignorance et de la pauvreté peut aspirer à un avenir prospère et à une vraie démocratie. C’est pour cette raison que j’ai fondé l’organisme Kira Burundi qui, depuis 2012, permet à 100 jeunes et moins jeunes de la rue du Burundi de retrouver espoir et dignité. J’ai l’intime conviction qu’en misant sur la jeunesse défavorisée en lui donnant les moyens de réaliser ses rêves que mon pays pourra un jour aspirer à une véritable liberté.
Diomède Niyonzima,
Journaliste et poète Burundais résident à Québec.
Pour en savoir plus: kiraburundi.org