Audrey Groleau, Professeure titulaire de didactique des sciences et de la technologie, titulaire de la Chaire d’excellence UQTR sur l’appropriation de questions technoscientifiques d’actualité. Photo : Anne-Sofie Bathalon
Mixité dans le milieu universitaire
Dans son article « Pourquoi y a-t-il si peu de femmes en science ? », publié en 2019 dans la revue Regards croisés sur l’économie, le professeur et chercheur en économie Thomas Breda affirme que « les filles sont toujours sous-représentées dans les sciences dures ». Il ajoute que « le fait que les hommes restent largement majoritaires dans les métiers scientifiques et techniques constitue l’une des distinctions les plus persistantes entre emploi féminin et masculin ». Il précise que ce phénomène s’applique à l’ensemble des pays développés.
La Gazette de la Mauricie était donc curieuse d’en apprendre davantage sur l’expérience d’une femme évoluant dans un milieu majoritairement masculin, en l’occurrence la professeure Audrey Groleau, de l’UQTR. À ce jour, elle est professeure titulaire de didactique des sciences et de la technologie, et elle est titulaire de la Chaire d’excellence UQTR sur l’appropriation de questions technoscientifiques d’actualité.
Audrey Groleau explique qu’elle a toujours été bien reçue, malgré quelques commentaires négatifs. Sa passion pour la science était déjà présente quand elle était au secondaire ; ses enseignant-es ne faisaient pas de distinction entre les genres, encourageaient les filles et disaient qu’il fallait plus de femmes en science. Elle a vécu une expérience semblable au cégep : « J’ai eu deux profs de physique, un homme et une femme, et il était considéré positif que les gars et les filles s’intéressent aux sciences. »
Qui est Audrey Groleau ?
Sa formation a d’abord commencé par les sciences pures. À l’université, elle fait son baccalauréat en physique. Pendant son parcours, elle se découvre une passion pour les sciences appliquées, spécialement pour les sciences de l’environnement. Par la suite, elle entreprend une maîtrise en science de l’eau. Elle souligne toutefois que, malgré son grand intérêt pour le sujet, elle a ressenti le besoin de se tourner vers un domaine plus appliqué, soit l’éducation. Ensuite, tout en enseignant au collégial, elle fait une maîtrise puis un doctorat en didactique.
Au cours de ses études doctorales, elle s’est intéressée à la façon dont le personnel enseignant au primaire conçoit sa relation avec des spécialistes des questions de science et de technologie. Plus précisément, elle s’est demandé « comment des jeunes s’approprient ces questions-là, comment des adultes et des jeunes vont vouloir poser des actions sociales dans leur milieu et qu’est-ce qu’on fait dans les cours de sciences pour que les jeunes aient envie de le faire, que ce soit par rapport aux milieux humides, à l’intelligence artificielle ou même à la pandémie, par exemple ». La question de l’environnement est intrinsèquement liée à ces considérations et revient sans cesse. Par conséquent, les changements climatiques constitueraient aujourd’hui la plus importante question technoscientifique, selon Audrey Groleau.
À l’université, son expérience n’a pas été totalement positive. Elle explique, avec un grand sourire, que lorsqu’elle est arrivée au baccalauréat en physique, il y avait peu de femmes. « Je me suis dit : où sont les filles ? Ça m’avait surprise, je n’avais pas compris ça. » Cependant, elle assure avoir eu un beau parcours et ne pas avoir été victime de sexisme. Elle dit aussi s’être toujours sentie à sa place dans le milieu malgré le peu de modèles féminins et quelques accrochages avec des professeurs plus vieux.
Maintenant professeure titulaire, elle explique qu’elle vit encore des incidents relatifs à son genre. Par exemple, « il y a quelques mois, j’étais en France et un collègue me demande : ‟Sais-tu je suis qui, moi ?ˮ Il n’aurait pas demandé ça à un homme. Donc, ça arrive encore, mais pas assez pour que ce soit un obstacle sérieux dans mon cas. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de sexisme, mais je dis qu’il y en a moins que ce qu’on pense ».
Selon Eve Langelier, professeure titulaire à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire pour les femmes en sciences et en génie au Québec, il y a de plus en plus de femmes en sciences naturelles et en ingénierie. En revanche, celles-ci se concentrent dans certains domaines, notamment la biologie, où on constate une certaine parité, mais pas en informatique.
Par ailleurs, Audrey Groleau indique que le baccalauréat en chimie à l’Université Laval a également revu ses profils et son appellation : « Avant c’était le bac en chimie et maintenant c’est cosméceutique, pharmaceutique et autres. En proposant des profils qui avaient des aspects plus sociaux ou plus environnementaux, moins liés directement à l’industrie lourde et à la pétrochimie, on a obtenu une meilleure mixité. Autrement dit, quand on laisse entendre que l’environnement ou les sciences ou l’ingénierie sont quelque chose de très séparé et autonome de la société – ce qui est faux –, on va avoir tendance à attirer davantage d’hommes. Quand on met en lumière les aspects utiles pour la société, pour le bien commun, pour l’environnement, pour la société, là on attire plus de femmes. »