Alex Dorval, mars 2021 En l’absence d’un tribunal spécialisé dans les cas d’agressions sexuelles et de violences conjugales, d’autres espaces à vocation d’auto-justice existent au sein de l’espace public afin de permettre aux victimes/survivantes – majoritairement des femmes – de se solidariser et de trouver un exutoire par rapport aux violences vécues. Initié en 2013 par Tanya St-Jean – avant même le mouvement #metoo – Je suis indestructible  est  une plateforme numérique où les survivantes d’agression sexuelle peuvent s’exprimer librement et extérioriser leurs émotions de façon créative par le biais de médiums artistiques divers (photo-texte, BD, slam, poésie, peinture, vlog, lettre de témoignage, etc.). L’instigatrice s’est inspirée de l’initiative étatsunienne Unbreakable, née sur les campus au début des années 2010.

L’exutoire par l’art 

Pour Mme St-jean, revenir sur les événements à travers un témoignage et un processus artistique permettrait aux survivantes de reprendre le contrôle complet sur la façon dont elles se racontent leur histoire : « La personne qui témoigne à travers l’art est en pleine possession, elle choisit tout son processus. C’est vraiment de l’empowerment. Il n’y a pas le filtre du traitement médiatique. » Bien que les survivantes ne soient pas forcément toutes artistes dans l’âme, il ne s’agirait pas d’un frein, mais plutôt d’un exercice de renforcement positif qui surgit naturellement. « La formule du témoignage écrit sous forme d’une lettre ouverte est toujours là pour celles qui ne seraient pas à l’aise avec des médiums plus artistiques. Mais généralement, je discute avec les survivantes et elles vont minimalement chercher à associer des photos à leurs émotions. On n’est pas obligé de s’exprimer par les mots », affirme Mme St-Jean.

Des chiffres qui parlent

  • 1 femme sur 3 a été victime d’au moins une agression sexuelle depuis l’âge de 16 ans.
  • 1 homme sur 6 sera victime d’une agression sexuelle au cours de sa vie.
  • Les 2/3 des victimes sont âgées de moins de 18 ans.
  • 82 % des victimes d’agression sexuelle sont des femmes.
  • Plus de 75 % des jeunes filles autochtones âgées de moins de 18 ans ont été victimes d’agression sexuelle.
  • 40 % des femmes ayant un handicap physique vivront au moins une agression sexuelle au cours de leur vie.
  • 1 femme sur 7 est agressée sexuellement au moins une fois par son conjoint.
  • Près de 8 victimes sur 10 connaissent leur agresseur.
  • 7 victimes sur 10 ont été agressées sexuellement dans une résidence privée.
  • Près de 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police.

Source : RQ-CALACS  Une année forte en témoignages et dénonciations Les dénonciations du début de l’été 2020, notamment via Instagram, mais aussi au sein des médias traditionnels, auront sans doute marqué les esprits de plusieurs Québécois.es. Mme St-Jean considère ces dénonciations comme des formes de « récits et véhicules de changement sociaux », dont la portée ne saurait être négligée. « Les pages de dénonciations sur Instagram existent et sont nécessaires. Je suis indestructible appuie et croit les personnes qui y ont dénoncé leur agresseur. », ajoute-t-elle. Toutefois, à la différence de ces pages, Je suis indestructible n’offre pas la possibilité de faire de dénonciations via sa plateforme. Bien que Mme St-Jean reconnaisse la légitimité et nécessité de telles initiatives, JSI propose plutôt de fournir de l’information et un réseau aux survivantes. Elles seront par la suite mieux outillées pour décider si elles préfèrent s’en tenir au témoignage ou s’engager dans la voie de la dénonciation.

La culture du viol dans les médias

Bien que les médias aient traité abondamment des dénonciations – plus spécifiquement des cas qui concernent des vedettes – se pourrait-il qu’en faisant de la sorte, nous éclipsions l’essentiel de la problématique, c’est-à-dire que le viol est un élément tabou, banalisé et imbriqué dans notre culture ? « Quand on parle des dénonciations entre deux vedettes, pendant ce temps-là on ne parle souvent pas de consentement, un sujet qui mériterait pourtant des campagnes de sensibilisation nationale comme celles que l’on voit actuellement avec les mesures sanitaires », fait valoir Mme St-Jean. Si on n’entend moins souvent l’expression « culture du viol » qu’il y a quelques années au sein des médias, il ne faudrait toutefois pas se méprendre sur la nécessité de rappeler le sujet à l’ordre du jour. « On en parle moins [de la culture du viol], peut-être un peu parce qu’on a intégré la notion comme société, mais surtout parce que ça demeure un tabou par rapport à des relations qui se passent dans l’intimité et il faut continuer d’en parler », soutient Mme St-Jean.

Cabaret d’humour, livre et francophonie

En plus de sa plateforme de témoignage en ligne, Je suis indestructible a élargi à travers les années son champ d’action. Le 24 février dernier, l’organisme tenait son annuel événement F*ck la culture du viol !, un cabaret d’humour visant à dénoncer les agressions sexuelles et la culture du viol. Je suis indestructible a également publié en 2019 un livre qui propose les récits et témoignages de sept survivantes. En vente via leslibraires.ca. Notons que depuis 2014, Je suis indestructible a donné naissance à un collectif homonyme du côté de la France, tirant profit des affinités culturelles pour élargir ainsi la solidarité entre survivantes.

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