Louis-Serge Gill – Août 2020
Les dénonciations anonymes de l’été 2020 concernent des comportements diversifiés, allant de l’intimidation à la violence conjugale, qui nous amènent à nous questionner sur l’état de l’éducation à la sexualité au Québec.
L’affaire de tous
Si les débats entourant l’éducation à la sexualité ne datent pas d’hier, certains se rappelleront peut-être avoir déjà suivi des cours de « Formation personnelle et sociale », communément appelés « F.P.S », à l’école secondaire. Ce programme en cinq volets initiait les élèves aux relations interpersonnelles, à la vie en société, à l’organisation de la vie scolaire, au marché du travail et, plus près du sujet qui nous intéresse, à la santé et à la sexualité.
Au début des années 2000, à la suite d’un renouveau pédagogique qui signe la disparition de ce programme, l’éducation à la sexualité n’est plus cantonnée à une seule matière et elle devient l’affaire des enseignants, des parents et des élèves. Dans la foulée des dénonciations associées au mouvement #moiaussi (#metoo), le gouvernement du Québec annonçait en 2017 le retour d’un programme d’éducation à la sexualité pour l’automne 2018.
Ce programme prescrit que l’enfant, selon son âge, doit recevoir entre 5 h et 15 h d’éducation sexuelle par année, heures planifiées par les directions d’école. À titre d’exemple, au niveau préscolaire, les étapes de la naissance seront abordées, alors qu’à partir du troisième secondaire, on abordera la mutualité dans les relations affectives, les enjeux liés à la violence et la construction de relations significatives.
Si cet enseignement est l’affaire de tous, tous ne sont pas à l’aise de le dispenser, comme l’affirmait Josée Scalabrini de la Fédération des syndicats de l’enseignement du Québec (FSQ) à La Presse canadienne en 2019. C’est que l’éducation à la sexualité devrait relever davantage d’intervenants spécialisés.
À bout de ressources, les victimes de violences sexuelles se sont tournées vers les réseaux sociaux. Elsa Villeneuve, qui signe une chronique sur la sexualité dans le Zone Campus de l’UQTR, nous rappelle qu’il ne faut pas négliger les jeunes adultes aux niveaux collégial et universitaire : « même avec la loi [151 qui oblige les établissements d’enseignement supérieur à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel] qui est en œuvre depuis un an, beaucoup de chemin reste à faire, puisque la culture doit changer dans sa majorité. Ce n’est que le début. »
Une problématique plurielle
Au ministère de l’Éducation du Québec (MEQ), on nous indique prendre les vagues de dénonciations très au sérieux et poursuivre l’implantation de ressources afin que « les contenus obligatoires en éducation à la sexualité permettent aux élèves de reconnaître, prévenir, dévoiler et dénoncer une situation d’agression sexuelle ou de violence à caractère sexuel ». Afin d’outiller les milieux, des Agents de soutien régionaux (ASR) sont déployés dans la plupart des régions pour « offrir un accompagnement de proximité aux établissements d’enseignement en matière de prévention de la violence et de l’intimidation, sous toutes ses formes, et suggérer des outils pertinents au personnel scolaire ».
De fait, comme en témoignent les récentes dénonciations anonymes, la problématique ne touche pas que la sexualité, mais plutôt diverses formes de violence, psychologique et physique, ayant cours dans la vie privée et publique, dans le réel comme dans le virtuel, et qu’en amont, la sensibilisation et la prévention demeurent essentielles.
En plus du réseau scolaire, divers organismes, dont SexURL, travaillent à l’éducation à la sexualité par le biais d’ateliers et de capsules sexo-éducatives disponibles en ligne. Récemment, sur les ondes d’ICI Première, Estelle Cazelais, sexologue œuvrant avec l’organisme, proposait qu’il faille travailler, en tant que société, à déconstruire l’ensemble des stéréotypes sexuels et lutter contre l’abus de pouvoir sous ses diverses formes.