Louis-Serge Gill – Les défis de la collectivité – Novembre 2020

Dans le cadre de notre dossier spécial et du mois de l’économie sociale, nous avons eu la chance de nous entretenir avec le philosophe Alain Deneault, auteur d’une série de feuilletons théoriques sur l’économie, publiée chez Lux Éditeur. 

Le modèle coopératif est-il plus vertueux ?

Entretien avec Alain Deneault

Questions de la Gazette (G) / Réponses de Alain Deneault (AD)

(G) À l’orée du mois de l’économie sociale, les coopératives et les entreprises solidaires seront à l’avant-plan. De votre point de vue de philosophe, qu’est-ce que le modèle coopératif propose qui n’est pas proposé ailleurs ?

(AD) Le modèle coopératif ne cherche pas à tout prix la croissance en tablant sur l’exploitation d’un personnel. Le modèle capitaliste classique incarné par la multinationale prend prétexte des filières d’activité rentables pour profiter de la vulnérabilité d’un personnel, surtout en Asie, afin de faire croître un capital déjà pharaonique. Dans le cadre idéologique contemporain, la coopérative peut consister en un mode de résistance même si elle ne révolutionne rien.

(G) À l’opposé, qu’est-ce qui rend ce modèle analogue à celui d’autres entreprises plus traditionnelles en ce qui a trait à la responsabilité sociale, fiscale, politique et environnementale ? Plus spécifiquement, quelles critiques pouvons-nous formuler à l’endroit du modèle coopératif ?

(AD) Une coopérative aura moins tendance à pratiquer l’évitement fiscal ou à recourir à des méthodes polluantes dans la mesure où elle est administrée par des acteurs sociaux qui occupent le territoire où elle se trouve et partagent la destinée de leur communauté. Cela dit, elle ne fait l’objet d’aucun contrôle démocratique par l’ensemble de la collectivité qu’elle concerne bien qu’en certains contextes, tous puissent se sentir concernés à un titre ou à un autre par ses décisions, et rien ne la met à l’abri d’un appétit vénal démesuré, selon qui la contrôle. Aussi, son rôle risque fort de se limiter parfois à une fonction complémentaire de l’activité capitaliste de grande échelle, et de s’inscrire de plain-pied dans le modèle hégémonique. Mais toutes ces questions ne concernent pas spécifiquement les sociétaires de coopératives, mais l’ensemble de la citoyenneté.   

Crédits photo: Esprit Libre

(G) En ces temps de pandémie, les gouvernements insistent plus que jamais sur l’achat local (on pense au Panier bleu au Québec), existerait-il dans la culture entrepreneuriale ou économique, un équivalent du « green washing » en environnement, soit une sorte de « blanchiment par la vertu » ? Sous quelle forme pouvons-nous observer ce phénomène ?

(AD) On ne peut pas se satisfaire d’étiquettes. L’activité locale, si elle est injuste, inéquitable, polluante, voire mafieuse et criminogène, ne saurait satisfaire personne. Aussi, les autorités publiques qui la soutiennent doivent avoir en la matière un minimum de sérieux. Le premier ministre Legault a fait fortune dans le tourisme de masse, une des causes principales de la pandémie actuelle, tout en se présentant dans le cadre d’élections comme un parangon du capitalisme mondialisé. Comme ministre responsable de la recherche, il a conduit une politique désastreuse consistant à mettre en concurrence les universités les unes contre les autres, en abordant la recherche strictement comme l’affaire d’un marché. Doit-on rire ou pleurer quand c’est à lui qu’il revient aujourd’hui de plaider pour la solidarité et l’engagement local ?

(G) Existe-t-il, dans le monde des transactions boursières et financières, des comportements ou des politiques que l’on pourrait juger vertueux ? Que serait la vertu appliquée à l’économie, aux échanges qui nous lient les uns aux autres ?

(AD) L’économie ne consiste pas en l’élaboration et en l’usage de tous ces instruments dans son principe. Elle consiste à trouver des façons, sur des échelles sensées, à articuler de manière pertinente et valable des relations. Des relations entre, d’une part, des talents, des dispositions, des forces, des désirs, des capacités, et, d’autre part, des besoins, des aspirations, des défis. Considérer que l’économie se réduit à une course effrénée vers le profit privé relève d’une perversion.  

Auteur d’une série de feuilletons théoriques sur l’économie, Alain Deneault était de passage à l’automne 2019 à la Librairie L’Exèdre, où il a accordé une entrevue à Christian Bouchard, professeur retraité du Collège Laflèche. Écoutez ce balado hors-série fait en collaboration avec la Librairie L’Exèdre.

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