Le bilan routier 2022 de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) paru le 12 juin 2023 brosse un portrait sombre de la mobilité au Québec. En plus de recenser une hausse des accidents en lien avec des véhicules routiers, on y signale une hausse de 22,7 % des décès de piétons sur les routes du Québec, pour un grand total de 79 vies fauchées.
À la fin de l’automne, une histoire avait particulièrement marqué les esprits, celle de cette fillette de sept ans, happée mortellement par un véhicule en pleine zone scolaire où, on le sait, la vitesse maximale est fixée à 30 km/h. On s’en souvient : les témoignages ne manquaient pas pour rappeler comment les citoyen.nes du secteur Ville-Marie à Montréal avaient mis en garde les autorités municipales contre la dangerosité des rues proches de l’école, devenues des voies de transit afin d’éviter les travaux au pont-tunnel Louis-Hippolyte La Fontaine.
Or, ce n’est pas qu’une affaire de métropole. Quelques mois plus tôt, à Shawinigan, secteur Grand-Mère, Maryline Héroux, une mère, demandait qu’un.e brigadier.ère scolaire soit affecté.e à l’intersection empruntée quotidiennement par son fils. Il a fallu qu’il soit happé par un véhicule, dénouement tragique en moins, pour qu’on sécurise l’endroit pour les jeunes élèves piétons . À Trois-Rivières, ces intersections tout risque existent, comme le signalait Marc Nolin, « piéton dans sa ville », en 2021, à propos de la rue De La Terrière, où se succèdent deux zones scolaires, deux résidences pour aîné.ess, un centre hospitalier et une clinique.
On ne parle pas de conduite avec les facultés affaiblies, tard dans la nuit ou tôt le matin. On parle de conduite ordinaire, en plein jour, aux moments de grande affluence. Une conduite tantôt pressée par les impératifs professionnels, tantôt distraite par l’insouciance tranquille d’un cellulaire tenu à la main. Souvent les deux. Les scènes se jouent lors de matins ordinaires où en piéton ordinaire, on chemine vers son milieu de travail ou vers l’école. Ce faisant, il faut inclure dans notre réflexion autant les personnes les plus vulnérables (enfants, aîné.es, personnes avec limitations visuelles / auditives, personnes à mobilité réduite), que les adultes sans caractéristique particulière. Bref, tout le monde. On peut, bien sûr, se responsabiliser en tant que piéton en adoptant divers comportements qui auront l’heur de nous protéger : être visible, marcher et traverser aux endroits désignés, c’est-à- dire ceux où la signalisation indique que nous avons priorité, notamment par le truchement de bandes blanches sur la chaussée ou par la présence d’un feu pour piéton.
À cet égard, certains me diront que les fameuses traverses pour piétons sont rarement respectées par les automobilistes. Qui sait que le non-respect de la priorité de traverse des piétons est punissable d’une amende allant de 100 $ à 200 $, à laquelle s’ajoutent des points d’inaptitude et des frais supplémentaires au renouvellement du permis ? Au-delà de la sensibilisation auprès des principaux acteurs concernés, automobilistes, piétons, cyclistes, le Plan d’action en sécurité routière 2018-2023 du ministère des Transports et de la Mobilité durable propose deux philosophies de l’aménagement des infrastructures routières – j’hésite à les nommer mais je le fais quand même : « Vision zéro » et « Système sûr ».
Dans cet esprit, les aménagements visant à rendre plus sécuritaires les axes routiers concernent à la fois les véhicules et les piétons. À cet égard, il importe de noter qu’à Trois-Rivières, sur 19 projets de sécurité routière réalisés en 2021 et 2022, 10 ont pour objectif premier d’améliorer la sécurité des piétons, que ce soit par l’ajout de feux sonores, de feux de piétons avec compteur numérique ou encore de traverses lumineuses pour piétons.
Enfin, soulignons qu’à la suite de la publication du bilan routier de la SAAQ, Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec, commentait en affirmant que « [c]e bilan routier doit être l’électrochoc dont on a besoin au Québec afin d’agir concrètement pour réduire la part des piétons décédés sur les routes. Le plan d’action de la ministre des Transports et de la Mobilité durable doit être ambitieux et inclure des mesures structurantes à l’échelle du Québec permettant de sécuriser les déplacements des usagers vulnérables. » Subséquemment, Geneviève Guilbault a annoncé que la date de publication prévue de ce rapport était le 24 juin 2023, jour de la Fête nationale du Québec. Notons que rien n’est encore paru au moment d’écrire ces lignes.
Si nous pouvons déjà saluer l’initiative d’insister sur la sécurité des piétons, il importe, il me semble, que l’on garde à l’esprit l’enjeu de la visibilité, comprise ici au sens large. C’est-à-dire qu’en dépit d’une culture forte de l’automobile, la culture piétonnière doit être encouragée, voire normalisée.