Jean-François Veilleux, janvier 2017
En 1663, la Nouvelle-France, une colonie-comptoir gérée par le système des compagnies (1613-1663), devient une province royale sous l’autorité de Louis XIV. La décennie qui suivra sera cruciale pour le Québec d’alors, et l’arrivée des Filles du Roy sera déterminante par leur rôle dans l’équilibre démographique et l’accroissement naturel de la population.

La Société d’histoire des Filles du Roy et la section locale Les Estacades de la SSJB de la Mauricie ont dévoilé un panneau commémoratif dans le parc du Moulin (Cap-de-la-Madeleine) en juin 2015 à l’occasion du 350e anniversaire de l’arrivée du premier contingent de Filles du Roy.
En 1663, on compte environ 3035 habitants dans la colonie française. En comparaison, la même année, la Nouvelle-Angleterre, qui est une véritable colonie de peuplement, compte 80 000 habitants! Avant 1663, le ratio de peuplement de la Nouvelle-France oscille entre six et quatorze hommes pour une femme, et trois colons sur quatre retournent en Europe.
Mais c’est entre 1663 et 1673 qu’on assiste à un point tournant du développement colonial français : des centaines de Filles du Roy vont traverser l’Atlantique, principalement à partir des ports de La Rochelle et de Dieppe, pour venir s’établir en Nouvelle-France. À cette époque, les femmes célibataires n’ont que deux choix : le mariage ou le couvent!
L’expression « Filles du Roy » a été utilisée pour la première fois par Marguerite Bourgeoys, fondatrice de la Congrégation Notre-Dame de Montréal, dans ses écrits datant de 1697-98. Sous les auspices de Jean Talon, intendant de la colonie française dès 1665, on inaugurait ainsi une politique nataliste et des tentatives de diversification économique.
Les Filles du Roy sont de jeunes orphelines recrutées dans les couvents parisiens afin de se marier et d’inciter les hommes à fonder une famille, contribuant ainsi au développement de la jeune colonie. Si les deux tiers de ces pionnières sont orphelines, soulignons tout de même que l’autre tiers est composé de femmes issues de familles nobles, parfois veuves.
Au total, en onze ans, elles ont été environ 764 femmes à traverser l’océan, soit la moitié de toutes les femmes qui se sont installées en Nouvelle-France durant le régime français.
Toutefois, il est faux de croire que les Filles du Roy n’étaient que des prostituées, car les maladies vénériennes rendaient les femmes stériles, d’autant plus qu’il fallait obtenir un certificat de bonne conduite avant de traverser. Seulement 15 à 20 étaient des filles de joie.
D’après Irène Belleau, présidente de la Société d’histoire des Filles du Roy, fondée en 2010, ces femmes ont eu 4459 enfants connus, ce qui permit de tripler la population en seulement dix ans. Par contre, il faudra attendre la fin du siècle pour assister au retour de l’équilibre démographique entre les hommes et les femmes de la jeune colonie française.
Dans la région de la Mauricie, les Filles du Roy s’installent spécifiquement dans diverses localités autant sur la rive nord, tel qu’à Rivière-du-Loup aujourd’hui Louiseville (3), Trois-Rivières (9), Cap-de-la-Madeleine (16), Champlain (26), Batiscan (16) et Sainte-Anne-de-la-Pérade (9), que sur la rive sud, à Nicolet (5), Bécancour (3) puis Gentilly (2).
Parmi les 16 qui se sont établies au Cap-de-la-Madeleine, aujourd’hui trois rues portent le nom de certaines d’entre elles : Marie Langlois, Jeanne Dodier et Catherine Ferré. D’ailleurs, à l’occasion du 350e anniversaire de l’arrivée du premier contingent de Filles du Roy dans notre région, la Société d’histoire des Filles du Roy et la section locale Les Estacades de la SSJB de la Mauricie ont dévoilé un panneau commémoratif sur ces femmes courageuses qui, à plusieurs égards, doivent être véritablement considérées non seulement comme des pionnières ou des aïeules, mais aussi comme les mères de la nation québécoise.
Sources principales :
L’historien Gilles Laporte :
Yves Landry. « Les filles du roi et les soldats du régiment de Carignan-Salières », Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, n° 34, 1993, p. 24-27. http://id.erudit.org/iderudit/8405ac
Marie-Ève Gingras. « Les filles du roi : mythes, réalités et représentations », Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, n° 114, 2013, p. 19-22. http://id.erudit.org/iderudit/69447ac