jeanne hamel
L'artiste Jeanne Hamel revisite le concept du « meme » dans sa démarche. Crédit photo : Marie-Louise Déziel

le sabord logoDétentrice depuis peu d’un baccalauréat en arts visuels de l’Université du Québec à Trois-Rivières, l’artiste Jeanne Hamel cumule les reconnaissances pour son travail. Lauréate du Prix Silex 2022 comme de la bourse de production Denis-Charland 2022, elle a eu l’occasion d’approfondir sa pratique artistique au cours de la dernière année; elle taille assurément sa place dans le milieu artistique à grands coups de ciseaux à bois. 

Jeanne Hamel se démarque par sa démarche particulière : elle puise ses matériaux de création dans les images diffusées massivement sur internet, principalement des memes (captations, figées ou animées, le plus souvent tirées de films ou séries télévisées et généralement légendées). Elle nous explique : « je trouve une grande satisfaction à prendre une image d’internet de piètre qualité, qui se consomme rapidement, et à l’amener dans un contexte de construction par l’estampe ». Lorsque les visuels sont sélectionnés, elle opère un montage dans Photoshop et les remanie à partir de différents modes de fusions, filtres et pinceaux, afin de créer des impressions hybrides entre sérigraphie et xylographie (impressions à partir de gravure sur bois en relief) sur canevas grand format. 

Pour l’artiste de la relève, le passage du support numérique au support papier permet de révéler le contraste entre le temps de consommation de l’image numérique et le temps de production de l’estampe, fruit d’un processus lent : « d’un côté, le contexte de l’image se veut instantané, alors que cette même image travaillée par couches et par accumulations sur plusieurs heures crée une nouvelle dimension ». Décontextualiser les memes génère en outre « un nouveau sens aux images et permet une lecture plus contemplative » de celles-ci. Alors que l’estampière pourrait simplement imprimer le montage Photoshop, elle choisit plutôt l’avenue de la gravure sur bois, qui souligne la texture de la matrice. « Ce qui m’anime de l’estampe, confie-t-elle, c’est qu’on retrouve une matérialité physique qui peut reprendre l’idée du palimpseste par la répétition de couches – par exemple en quadrichromie ou en passage multiple – et reprendre l’image numérique de pixel en créant notre propre pixellisation ».

Travailler le meme, par essence éphémère et viral, via la voie plus lente de l’estampe, est aussi une façon de repenser la mémoire. Jeanne Hamel, inspirée par la démarche de Robert Rauschenberg (plasticien américain) qui souligne dans ses collages « les anachronismes générés par la mémoire matérielle des éléments », applique cette notion sur les captations virales. Elle joue alors avec le·la spectateur·rice, avec « sa mémoire et sa capacité à trouver ce que les éléments évoquent ». Ce traitement des matériaux numériques populaires par le biais de l’estampe est audacieux, n’allant pas de soi. Elle affirme néanmoins que la reconnaissance du prix Denis-Charland lui a fait gagner en confiance, et qu’elle assume davantage sa pratique « qui traite de sujets issus de la culture numérique avec des médiums traditionnels ».

Le mois dernier, l’on pouvait admirer les œuvres de Jeanne Hamel dans le cadre de son exposition ludique Motherlode, conçue sur mesure pour la salle noire de l’Atelier Silex. Elle travaille actuellement sur de nouveaux tableaux et une série d’estampes pour différentes expositions et compte expérimenter la vidéo installative. Finalement, en collaboration avec un artiste de Victoriaville, elle œuvre ces jours-ci à « la construction d’un événement qui veut démocratiser les images et l’idée de l’exposition artistique ». Une chose est sûre: elle vous fera voir les memes sous un jour nouveau!

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