Alex Dorval – Société – mai 2021
Plus de 2000 personnes ont marché dans les rues de Trois-Rivières réclamant « Justice pour Joyce ». Les Attikameks de Manawan ont pu compter sur la solidarité de centaines d’autres Autochtones et Québécois qui se sont mobilisés le 2 juin, dernière journée des audiences et de l’enquête de la coroner Géhane Kamel visant à faire la lumière sur les événements qui ont mené au décès de Joyce Echaquan, mère de famille de Manawan, décédée le 28 septembre 2020 à l’Hôpital de Joliette.
Partants du parc Jean-Béliveau, environ 2000 participants ont marché le long de la rue Laviolette puis ont fait halte au Palais de justice de Trois-Rivières, brandissant des bannières condamnant le colonialisme, demandant la reconnaissance de l’existence du racisme systémique dans les services publics du Québec par le premier ministre François Legault et exigeant l’adoption par le gouvernement québécois du Principe de Joyce. Ce dernier vise à faire valoir le droit des Autochtones d’être traités équitablement dans les services de santé et services sociaux du Québec.
La majorité des manifestants portaient des vêtements et accessoires de couleur mauve, « la couleur préférée de Joyce ». Le conjoint de Joyce, Carol Dubé était entouré de plusieurs représentants politiques des Premières Nations et a également reçu le soutien d’élus de la ville de Trois-Rivières.
Marquée par les sons des tambours et les « Justice pour Joyce » scandés bien fort, la marche s’est arrêtée vers 13 h 30 devant le palais de justice de Trois-Rivières où venaient de prendre fin les audiences et l’enquête de la coroner Géhane Kamel dont le rapport sera déposé dans les prochains mois.
Une grande marche pacifique
« On préfère parler d’une grande marche pacifique que d’une manifestation, c’est comme ça qu’on le décrirait en langues autochtones. Marcher pacifiquement pour soutenir et non pour manifester violemment », nuance Gabrielle Vachon-Laurent du Centre d’amitié autochtone de Trois-Rivières (CAATR). Avec l’appui de M. Sipi Flamand, vice-chef des Attikameks de Manawan, l’agente culturelle du CAATR a pris en charge les communications et une partie de la logistique au sein du comité organisateur de cette « Grande marche pacifique ».
« Des gens nous disaient : « on dirait qu’on se retrouve comme dans un pow-wow, on regarde les gens danser, on écoute de la musique, on échange avec des gens qu’on n’a pas vus depuis longtemps. Revendiquer pacifiquement et faire preuve d’une solidarité propre aux gens de nos communautés, c’est ce qui a fait le succès de l’événement », soutient Mme Vachon-Laurent.
En 2 à 3 semaines seulement, « nous avons réussi à réunir tout le monde en soutien à Joyce, sa famille, sa communauté et toutes les communautés autochtones du Québec », fait valoir Mme Vachon-Laurent. « Il y a même des gens de Matimekush sur la basse Côte-Nord et qui ont mis 3 jours à se rendre », relate-t-elle, ces derniers devant faire une bonne partie du trajet en train.
Un vent de changement
Des représentants de toutes les Premières Nations du territoire québécois se sont mobilisés. La co-organisatrice de la grande marche soutient que des cas comme celui de Joyce Echaquan sont plus fréquents qu’on ne le croit dans les régions du Québec : « Nous on sait qu’il y a beaucoup de cas isolés comme ça dans toutes les régions du Québec, surtout dans les régions éloignées. »
Bien que le comité organisateur accueille chaleureusement le soutien qu’il juge « de bonne foi », des représentants politiques – notamment le maire de Trois-Rivières, Jean Lamarche et Manon Massé de Québec Solidaire – les représentants du gouvernement caquiste brillaient quant à eux par leur absence.
« C’est sûr qu’on aimerait que le gouvernement québécois reconnaisse le racisme systémique », déplore l’agente culturelle. Mme Vachon-Laurent se dit tout de même très satisfaite du déroulement et croit qu’un « vent de changement » attend les prochaines générations. « Cette marche intergénérationnelle a été l’occasion pour les aînés de parler avec les plus jeunes. Ça faisait longtemps que les gens étaient dus pour ça », fait-elle remarquer, alors que les Québécois, vaccinés à 75 %, profitaient d’une première série de relâchements des mesures sanitaires en lien avec la pandémie de COVID-19.