Le 27 avril dernier avait lieu la première d’une série de trois représentations de La descente aux affaires à Shawinigan du conteux caxtonnien Fred Pellerin. Dans le cadre de sa tournée, Pellerin parcourt la francophonie avec son imaginaire inspiré des histoires de son village natal, Saint-Élie-de-Caxton, et il semblerait que bien que ses personnages prennent du vieux, le public fidèle de Pellerin ne s’en lasse pas.
Un 7e spectacle pour Fred Pellerin
La descente aux affaires, son 7e spectacle à ce jour, suit une fois de plus les personnages connus du public québécois, cette fois en braquant le projecteur sur Toussaint Brodeur et sa femme Jeannette, propriétaires du magasin général du village.
Il s’agit en quelque sorte d’un conte moral tissé par le biais de la vie de Toussaint. Tour à tour, Pellerin nous raconte son enfance marquée par le décès de son père et les conseils fugaces de son oncle richissime, son mariage avec la sage Jeannette, l’acquisition de sa propre petite fortune à travers des stratagèmes entrepreneuriaux moralement douteux et même, eh oui… sa mort.
La communauté caxtonienne est également de la partie, évidemment. Il y a le curé tout aussi neuf — bien qu’après 20 ans de contes, il pourrait tout aussi bien grisonner. Le coiffeur, Méo, toujours aussi pompette, mais qu’on découvre cette fois secrètement gaucher (maniant ses ciseaux de la main droite). Le forgeron Riopelle à la taille qu’un tie-wrap pourrait enlacer mais avec des épaules de bœuf. Sa fille, la jeune et légère belle Lurette.
L’argent, la mort, l’amour
Si le public était habitué à entendre de l’enfant prodige mauricien des contes légers et humoristiques, on a plutôt affaire ici à un conte qui, bien qu’habilement saupoudré de sucre par le conteur, reste assez sombre.
Pellerin mentionne en fin de spectacle que si La descente aux affaires portait à l’origine sur l’argent, pour ensuite parler de la mort et finir par être sur l’amour, c’est pourtant bien la mort qui reste la plus présente en bouche une fois la salle de spectacle quittée.
Certes, Pellerin n’a jamais craint d’aborder le deuil ou la misère humaine, comme on a pu le voir dans L’arracheuse de temps par exemple. Par contre, on avait toujours auparavant lors de la conclusion une bonne gorgée d’espoir, une fenêtre ouverte sur la force de la solidarité ou encore la sagesse de l’innocence. La descente aux affaires, comme le laisse présager le titre, se termine assez tristement pour ses protagonistes.
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La foule dans une poche
Du côté du public – les trois spectacles à Shawinigan affichant complet, cela va sans dire –, le cœur était pourtant à la fête. De grands rires complices rugissaient en chœur dans la salle, pendus aux lèvres de celui qui a contribué à redorer le blason de la région. Le fils de Toussaint Brodeur, Michel, était d’ailleurs dans la salle.
Il semblerait donc qu’après vingt ans sur les planches avec les mêmes personnages, Pellerin réussit toujours à inspirer de la joie chez son auditoire. Bien qu’il ait participé au cours des années à de nombreux projets loin de ses légendes fétiches – on peut penser à sa série documentaire récente Il était une forêt –, son centre de gravité reste bien fermement planté dans cette grappe d’individus « mythologisés ». Et le public est au rendez-vous.
Une recette éprouvée
La descente aux affaires est en somme un conte à la forme identique à ses prédécesseurs ; mise en scène hyper modeste, chansons entrecoupant les segments de conte, visages familiers, mais aussi cette même poésie et cette même gymnastique linguistique qui rendent le conteur légendaire.
Pour ce qui est du propos, on ne peut que se résoudre à voir des personnages autrefois bienveillants et espiègles avoir une leçon irrévocable. À la fois au sens figuré et propre, le héros meurt à la fin.