La mondialisation de l’économie a connu son envolée dans les années 1990, période marquée par l’ouverture économique de la Chine, de l’Inde et des pays de l’ancien bloc soviétique, le tout étant agrémenté par la multiplication des accords de libre-échange et la libre circulation des capitaux. Résultat, en favorisant l’éparpillement des chaînes de production selon les plus bas coûts offerts dans le monde, la part du commerce extérieur dans le PIB mondial est passée de 38 % en 1990 à 61 % en 2008.
Or, la mondialisation de l’économie semble battre en retraite depuis une quinzaine d’années. Comme le montre la figure ci-contre, le poids du commerce international dans le PIB mondial est sur une pente descendante depuis 2008. Il en va de même pour les investissements internationaux, dont la part dans le PIB est passée de 20 % en 2007 à 5 % en 2019. Ces faits viennent donc renforcer le point de vue selon lequel la mondialisation est en déclin. Mais quelles en sont les causes ?
Figure: Part des exportations et des importations dans le PIB, 1960-2020
Source: Banque du Canada, L’ouverture du commerce, (https://www.banqueducanada.ca/2018/09/la-liberalisation-du-commerce/)
La crise de la finance mondialisée
Le début de ce déclin n’est pas étranger à la grande crise financière de 2008, qui a été qualifiée de première crise de la mondialisation. Car les excès de la finance libéralisée ont paralysé le système financier mondial et provoqué la plus importante récession mondiale depuis 1929 et la chute du commerce international.
Si cette crise a affaibli les pays riches, la Chine, l’Inde et une partie du monde en développement se sont renforcés. Ces pays ont réussi à combler davantage leur consommation intérieure, en se dotant de chaînes de production locales plus complètes, réduisant ainsi leur dépendance au commerce extérieur. Par ailleurs, la Chine a su combler les vides de financement découlant de la crise de 2008 en mettant sur pied la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII) et de multiples forums de coopération avec l’Afrique et l’Amérique latine. En entrant en concurrence avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale dominés par les États-Unis et l’Europe, un nouvel ordre mondial multipolaire venait donc de naître.
Les crises climatiques et politiques
Bien avant la pandémie, les chaînes d’approvisionnement mondiales connaissaient déjà des perturbations majeures à tous les quatre ans en moyenne. Selon le consultant McKinsey, le ralentissement des échanges internationaux causé par ces ruptures d’approvisionnement a entraîné des pertes équivalentes à 42 % des profits d’un an à tous les dix ans.
Parmi les causes citées, il y a les conflits commerciaux comme la guerre des tarifs douaniers entre les États-Unis et la Chine sous l’ère Trump, mais aussi les conflits politiques régionaux et les événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents et coûteux. Pour la seule année 2019, quarante catastrophes écologiques ont causé des dommages dépassant les 40 milliards de dollars. En raison de ces coûts, McKinsey estime que 16 % à 26 % des exportations mondiales, d’une valeur de 2 900 à 4 600 milliards de dollars, pourraient être déplacées. Du côté des conflits politiques, l’invasion russe actuelle en Ukraine constitue le dernier événement d’affaiblissement de la mondialisation.
Un modèle de mondialisation contesté
Au-delà des causes du déclin de la mondialisation, il y a la remise en question du modèle de mondialisation proposé au début des années 1990. Connu sous le nom de Consensus de Washington, le FMI, la Banque mondiale et les gouvernements occidentaux proposent le retour à un libéralisme économique plus musclé, modèle qualifié de néolibéral.
Or, au fur et à mesure que le modèle de mondialisation néolibérale s’installe, les crises économiques se multiplient, avec comme conséquence la montée des inégalités extrêmes et l’effritement de la cohésion sociale. Cette citation de Pascal Lamy, ancien Directeur de l’Organisation mondiale du commerce, décrit assez bien la conséquence de la mondialisation: « un petit nombre de gros gagnants et beaucoup de petits perdants ».