« Amène-moé 2 grosses! » C’est comme ça que Roger commandait ses bières. Des bières qu’ils ne payaient jamais. Jusqu’au soir où le serveur qu’il venait de menacer a sorti une arme et a tiré. Roger, c’était mon voisin. L’aîné d’une famille pauvre de 12 enfants dont le père était alcoolique et violent. Les 2 filles de la famille ont fugué. Pierre, musicien autodidacte, était un génie, décédé prématurément des suites de sa toxicomanie. Daniel, le cadet, alterne toujours entre son job de « pusher » et la prison… Douze enfants dans un 4 et demi, ça ne favorise pas vraiment l’épanouissement. Un beau scénario pour « 30 vies ».
Je repense à cette famille. Je me dis que peut-être, si elle n’avait pas été si pauvre, si la société lui avait donné du support, ses membres n’auraient pas gaspillé leur vie. Je repense à cette famille parce que tout ce que l’on entend ces temps-ci, ce sont les ministres libéraux qui à tour de rôle nous répètent leur mantra d’austérité : « A-Om̐ … il faut arriver à l’équilibre budgétaire… A-Om̐… couper dans les programmes sociaux… A-Om̐… couper les services pour enfants en difficulté »!
Les politiques d’austérité touchent de plein fouet les familles comme celle de Roger : moins de support à l’école, moins d’accompagnement pour les jeunes en difficulté. Des Roger, des Daniel ou des Pierre qui, laissés à eux-mêmes, peuvent éventuellement commettre les pires crimes, s’associer aux idéologies les plus barbares. Ou encore ce seront des « Mozart sacrifiés ».
Au Québec, depuis 1960, le taux d’imposition des sociétés est passé de 40 % à 15 %! Si on récupérait ne serait-ce que 3% de ces baisses, ce serait 1,2 milliard $ de revenus annuels… mais les partis conservateurs et libéraux font plutôt le choix de couper dans les services à la population. Et la situation est loin d’être plus réjouissante à l’échelle planétaire alors que les inégalités se creusent et qu’on nous fait croire qu’une croissance économique durable n’est possible qu’en réduisant les interventions des États et en laissant les marchés à eux-mêmes. Qui peut encore croire que les plus riches veulent vraiment assurer un développement juste et durable pour tous? Qu’ils veulent notre bien et créer des emplois?
Sur le site www.nonauxhausses.org, on propose 18 solutions qui permettraient de renflouer les coffres de l’État de 10 milliards $ par année, tout en redistribuant la richesse, relançant du même coup l’économie. Pourquoi, monsieur Couillard n’entendez-vous pas ce cri du cœur?