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Réal Boisvert, mai 2016

À moins de vivre sur une autre planète – et encore ! – on ne peut s’empêcher de revenir sur la vague déferlante qui a balayé l’univers de la finance à la suite des révélations des Panama Papers. De toute façon, cette écume est tellement malodorante qu’elle a laissé dans son sillage un remugle qui n’est pas sur le point de s’évaporer. Pinçons-nous le nez alors et disons-nous que la puanteur a ceci de bon qu’elle a l’heur de réveiller bien souvent les plus impassibles d’entre tous. Et en effet, il y a toujours bien des limites. Jamais on n’avait vu autant de monde issu de milieux si différents pris en même temps les deux mains dans le sac. Chefs d’État, politiciens de bas niveau, acteurs, commerçants, trafiquants de toutes sortes, footballeurs, banquiers et fortunés de tout acabit ont soustrait, dans ce cas-ci seulement, des milliards et des milliards de dollars au bien commun. C’en est trop. Il faut agir, et vite.

Et il est d’autant plus opportun de le faire que ce scandale a valeur de pédagogie. Il nous instruit comme jamais sur les distorsions de l’économie mondiale et la latitude des pouvoirs publics. Ainsi, ce n’est pas parce que l’on vit au-dessus de nos moyens que le trésor public est si mal en point. C’est parce que nous ne réclamons pas notre dû à tous les filous de la terre. Comme le dit si éloquemment le philosophe Alain Deneault, le problème n’en est pas un de dépense mais de revenu. Et l’austérité que nous rentrent dans la gorge les gouvernements, loin d’être un remède pour atteindre l’équilibre budgétaire, est au contraire un poison qui nous accable, nous éreinte et nous tue. Leçon d’économie 101 : la fiscalité ce n’est pas sorcier. C’est ce qui permet aux gouvernements de mettre en place les politiques publiques nécessaires au développement humain. Les sommes allouées en éducation, en santé, en environnement, en justice sociale et en culture ne sont donc pas des dépenses; ce sont des investissements. Il faudra bien entendre cette évidence une fois pour toutes !

Ah… nous dira-t-on, c’est bien parce que les impôts sont trop élevés que d’aucuns imaginent mille stratagèmes pour échapper au fisc. Vraiment ? Quel serait un taux d’imposition raisonnable pensez-vous ? Jusqu’où irait la surenchère si les pays se mettaient à offrir le taux d’imposition le plus avantageux ? Au final, faudrait-il compter sur la discrétion du prince ? Miser sur la propension du riche à la générosité ? Ridicule. La redistribution de la richesse n’est pas une option. C’est une nécessité.

Un peuple instruit, une nation qui se dote d’institutions publiques fortes et transparentes de même qu’une société qui participe avec passion à sa vie démocratique, tout ça fait en sorte que l’évasion fiscale, la fiscalité d’évitement et l’économie au noir ne sont pas une fatalité. Et il en va de même pour la corruption, la collusion et les basses manœuvres. Elles sont tout sauf irrévocables. Il faut se le dire une fois pour toutes : ou bien on prend les moyens qu’il faut pour vivre ensemble en harmonie les uns avec les autres; ou bien on laisse aller, on se cantonne dans le chacun pour soi et on se fait manger tout rond comme des petits poulets. On a le choix entre croupir dans un poulailler en compagnie des renards ou vivre sur la ferme en seigneur et maître de la basse-cour financière.

 

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