Jean-François Veilleux, février 2016
Malgré les avancées technologiques et l’augmentation marquée de la production de richesses à l’échelle planétaire, on ne peut que constater la persistance de la pauvreté et de l’exclusion partout dans le monde. Jamais au cours de l’histoire, l’accumulation du capital n’a été aussi rapide et concentrée. Alors que les inégalités économiques sont en hausse depuis trente ans, l’écart grandissant entre les riches et les pauvres nous pousse à envisager de nouvelles mesures pour redistribuer la richesse.
L’une de ces mesures, qui vise à assurer un revenu de base à l’ensemble de la population, porte des noms différents selon ses modalités d’application. Le revenu minimum garanti assure à toute personne ou à tout ménage qui n’a aucune source de revenu un minimum de ressources financières. Il permet en particulier l’accès aux biens premiers (nourriture, logement, habillement, soins de santé) et aux biens indispensables qui permettent la réalisation de soi, comme l’éducation. Cependant, un tel programme ne s’applique pas à l’ensemble de la population, mais seulement aux personnes disposant de revenus inférieurs au seuil déterminé par l’État.
À l’opposé, l’allocution universelle – aussi connue sous le nom de revenu de citoyenneté ou encore revenu de base – consiste en un revenu versé inconditionnellement par l’État à tout individu (citoyen ou résident), sans égard à ses ressources financières, et suffisant pour le maintenir hors de l’état de pauvreté. Cette idée, développée par le philosophe et économiste belge Philippe Van Parijs, né en 1951, stipule qu’en naissant dans un État, chaque citoyen a droit à une rente publique tirée de l’exploitation des ressources naturelles.
En plus d’être un moyen de rétablir l’égalité des chances face à l’exclusion sociale engendrée par la précarisation du travail, cette mesure se présente comme une base de sécurité et de confiance nécessaire à la dignité de tous.[1] En présupposant que l’homme vaut quelque chose en soi et non seulement comme travailleur, le revenu universel vise à permettre à chaque personne de valoriser son plein potentiel. Elle est de plus économiquement rentable, car elle permet de rendre plus de personnes employables en tenant compte de la valeur économique du bénévolat (économie de l’entraide, aidants naturels, soutien des proches).
De 1974 à 1979, une expérimentation sociale connue sous le nom de Programme Mincome a visé à mettre en place un système de revenu de base garanti à Winnipeg et Dauphin, au Manitoba, mais elle a finalement été abandonnée par absence de volonté politique.[2] Au cours des dernières années, différentes formes de programmes de revenu de base ont été explorées en Suisse, aux Pays-Bas, en Alaska, en Irlande, en France (revenu de solidarité active), en Allemagne et en Finlande.
En Suisse, un référendum devrait avoir lieu à l’automne sur la garantie d’un revenu annuel équivalent à 35 900 $. La ville d’Utrecht, aux Pays-Bas, tente aussi l’expérience depuis janvier dernier sur un groupe d’environ 300 personnes à qui seront versés 900 euros par mois pour un adulte et 1 300 euros pour un couple. En Finlande, une allocation mensuelle universelle de base de 800 euros (environ 1200 $ CA) sera versée aux citoyens dès 2017.[3]
Par ailleurs, peut-être faudrait-il réfléchir également à fixer un revenu maximum autorisé, plafond qui, en faisant jouer davantage la progressivité de l’impôt sur le revenu, permettrait de financer adéquatement la lutte contre la pauvreté ? Notre société a besoin d’un nouveau paradigme de répartition des richesses.
[1] http://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-de-philo/395191/l-allocation-universelle-et-le-principe-fondamental-d-egalite-des-chances
[2] http://www.mediak.ca/le-programme-mincome.aspx
[3] http://www.journaldemontreal.com/2015/12/13/un-salaire-de-base-garanti-pour-tous