alain-transDepuis quelques d’années, on assiste à la multiplication des études sur les inégalités de la part d’organismes (Conference Board du Canada, FMI, Morgan Stanley, OCDE, Standard & Poor’s, etc.) qui ne se préoccupaient pas trop de ce phénomène jusqu’à tout récemment. Pourquoi donc ?

C’est sans doute le Fonds monétaire international (FMI) qui a le mieux illustré cette soudaine préoccupation en rendant public en 2014 une vaste étude (150 pays sur une période de 50 ans) qui montre que les inégalités nuisent à la croissance et à l’efficacité économique. Comme toutes les études constatent une nette augmentation des inégalités économiques, il y a donc lieu de s’inquiéter.

La situation actuelle

Plus près de nous, des études de Statistique Canada et de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) montrent le même phénomène. L’OCDE[1] publiait en 2014 une troisième étude depuis 2008, qui corrobore une conclusion du Conference Board du Canada (2011), selon laquelle le Canada est non seulement le pays ayant connu la plus forte hausse d’inégalités au cours des dernières années, mais qu’il est en train de rattraper les États-Unis.

Thomas Piketty[2] vient de publier les résultats d’une vaste recherche scientifique sur les inégalités de revenu et de richesse. Il estime que ces inégalités sont extrêmes lorsque les 10 % les plus riches s’approprient 40 % ou plus des revenus du travail et possèdent 70 % ou plus de toutes les richesses (immobilières et financières). C’est le cas des États-Unis depuis les années 2000, et de plus en plus du Canada où les 10 % les plus riches détiennent plus de la moitié des richesses (FMI, 2013).

Les causes

Selon Piketty, ces inégalités extrêmes s’expliquent par l’ampleur considérable du transfert de revenu national (15 % aux États-Unis) des 90 % les plus pauvres vers les 10 % les plus riches depuis les années 1970. Ce phénomène s’explique par la baisse des salaires et la hausse des profits et dividendes notamment (en % du PIB).

Piketty montre que la concentration extrême de la richesse privée accélère la montée des inégalités pour la simple raison que cette richesse, qui est aujourd’hui deux fois plus importante (en % du PIB) qu’en 1975, rapporte aussi deux fois plus qu’en 1975. En raison de cette mécanique, la concentration extrême des richesses pourrait encore doubler d’ici la fin du siècle si rien n’est fait.

Des solutions

Les États doivent se donner des outils de redistribution des revenus et des richesses extrêmes pour combattre les inégalités. Piketty apporte une solution originale qui consiste à instaurer un impôt progressif sur la richesse nette (les avoirs moins les dettes) des ménages. Il fait valoir qu’un impôt progressif très faible sur le capital (0 % pour les richesses nettes de moins de 1,5 million $, 1 % entre 1,5 et 5 millions $ et 2 % pour plus de 5 millions $), qui toucherait à peine 2,5 % de la population mondiale, rapporterait autour de 2 % du PIB d’un pays, soit 35 milliards $ par année pour le Canada ou 6 milliards $ pour le Québec.

L’autre solution consiste à ramener l’impôt progressif sur les revenus à des niveaux plus équitables, étant donné qu’il a été réduit de moitié dans la plupart des pays riches depuis 30 ans, sans que cela stimule la croissance économique. En 2013, le FMI (Taxing Times) indiquait que le Canada pourrait relever le taux d’imposition de la plus haute tranche de revenu à 60 % sans que cela n’ait d’effet négatif sur l’économie. De son côté, Thomas Piketty évalue que ce taux pourrait atteindre 82 % sans que cela nuise à la croissance économique. Force est de constater que l’austérité est un concept dépassé.

Alain Dumas, Économiste

gazette.economie@gmail.com

[1] OCDE : L’Organisation de Coopération et de Développement Économique regroupe 34 pays les plus riches de la planète.

[2] Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Éditions du Seuil, 2013, 970 pages.

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