Daniel Landry, Comité de solidarité/Trois-Rivières, décembre 2018
Dans un discours devenu célèbre, l’ancien président des États-Unis Abraham Lincoln déclarait qu’une démocratie, « c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Par définition, la démocratie s’oppose aux régimes monarchiques ou aristocratiques qui permettent à une personne ou à une élite de gouverner. Vivre en démocratie, c’est reconnaître les principes de liberté et d’égalité devant la loi. C’est donner une voix à tous les citoyens.
Mais comment cela est-il possible? Devant ce défi de donner la parole à tous les citoyens, se choisir des représentant-e-s semble une avenue nécessaire. Et au fil des siècles, le processus électoral s’est imposé comme la solution incontournable et essentielle à toute démocratie, et ce, même si d’autres options pourraient s’avérer aussi valables (le tirage au sort par exemple, dans le cas d’un jury ou d’une assemblée constituante). Choisir ses élu-e-s est devenu un geste hautement symbolique. On accorde une grande importance aux taux de participation lors d’élections. On considère, avec raison, que l’obtention du droit de vote des femmes (tardivement pour le Québec : en 1940) est un moment historique. Et on entend régulièrement l’affirmation comme quoi celui ou celle qui n’exerce pas son droit de vote ne devrait pas avoir le droit de critiquer le gouvernement en place. Dans un tel contexte, il est désormais difficile de nier l’importance des élections en démocratie.
Mais le problème avec cette logique, c’est qu’on réduit le processus démocratique à un simple geste de délégation du pouvoir, une fois aux quatre ans. On omet alors le caractère aristocratique du système de votation qui place régulièrement des élites aux plus hautes fonctions. Les élections ressemblent alors à un concours de popularité où l’homme blanc, hétérosexuel, diplômé et riche a souvent plus de chance de l’emporter et de faire valoir ses idées.
Voir le monde autrement : une série du CS3R
Or, une véritable démocratie n’est pas un concours de popularité. Elle implique plutôt un engagement citoyen fort et constant. Elle s’exerce directement. Par la délibération, par le débat, par l’engagement au sein de mouvements sociaux, par le désir d’influer sur son environnement immédiat, son économie ou ses institutions locales. Si le geste de voter est important, il ne se substitue pas à cette implication et cet engagement envers sa communauté. Une démocratie en santé est nécessairement un lieu où la société civile est vocale, dynamique et active. C’est un endroit où les citoyens n’attendent pas passivement que leurs politiciens prennent toutes les décisions pour eux.
Aux États-Unis, pour les millions d’opposant-e-s à Donald Trump et à ses politiques conservatrices, la planche de salut repose sur cet engagement citoyen. Espérer que les élections de mi-mandat transforment le visage politique de l’Amérique, ou attendre que les prochaines présidentielles de 2020 éjectent le narcissique personnage du pouvoir, sont synonymes d’une démission citoyenne. Il en est de même pour les citoyennes et citoyens du Québec et de l’Ontario qui sont déçu-e-s par les élections des gouvernements Ford ou Legault. Sachant pertinemment que ces gouvernements seront inactifs sur plusieurs questions d’ici 2022, incluant la plus importante du siècle, soit celle des changements climatiques, n’est-il pas impératif de trouver d’autres voies d’action pour transformer nos sociétés à court terme? Poser la question, c’est y répondre.
Pas besoin d’attendre quatre ans pour réduire son empreinte écologique, pour éduquer à l’environnement, pour lancer des entreprises vertes, pour boycotter les voyous du climat, pour investir dans des fonds qui respectent l’environnement, pour manifester et influencer les dirigeants. Pas besoin d’attendre quatre ans pour se sentir interpellé-e-s et responsables face aux générations futures.