Alain Dumas, novembre 2019
Pour la première fois dans l’histoire, le Québec affiche un taux de chômage inférieur à la moyenne canadienne. Si d’un côté ce faible chômage a quelque chose de réjouissant, de l’autre côté on observe certaines tensions dans le marché du travail. Selon Statistique Canada, le taux de postes vacants ne cesse d’augmenter depuis quelques années; il atteint présentement 3,8 % au Québec, soit 140 400 postes non comblés, alors qu’on compte 220 000 chômeurs officiels.
Les changements démographiques
Selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), les changements démographiques ne sont pas étrangers à ces tensions dans le marché du travail. Le déséquilibre entre le poids de la population en âge de travailler et celui des personnes retraitées ira en grandissant. On estime que la population du Québec augmentera jusqu’à 9 millions de personnes en 2027, cependant que cette hausse s’accompagnera d’un vieillissement de la société québécoise puisque les personnes de 65 ans et plus représenteront les trois quarts de cette hausse.
Ainsi, le nombre des 20-64 ans, qui forme 90 % de la main-d’œuvre, devrait diminuer de 5,1 millions à moins de 5 millions d’ici 2030, de sorte que l’indice de remplacement de la main-d’œuvre, c’est-à-dire le rapport entre le nombre des 20-29 ans (la relève de la main-d’œuvre) et les 55-64 ans (à la veille de la retraite), continuera de baisser d’ici 2023 et restera négatif jusqu’en 2053.
Le fait que cet indice de remplacement de la main-d’œuvre ait déjà baissé de 113 % en 2010 à 90,8 % en 2018, cela explique le doublement du taux de postes vacants au Québec depuis 2010. Mais puisque cet indice descendra sous les 80 % en 2023, le déficit entre la relève et le nombre de travailleurs à la retraite sera donc grandissant. Par exemple, la région de la Mauricie devrait en souffrir davantage puisque le taux de remplacement négatif devrait atteindre 60 % en 2021.
Les défis à surmonter
Des économistes soutiennent que cette rareté de main-d’œuvre est aussi due à un manque de compétences dans la population active. Pourtant, comme le montre l’enquête de Statistique Canada, près de 60 % des postes à combler exigent seulement un diplôme d’études secondaires. D’autres évoquent un taux de roulement élevé du personnel et une faible attractivité des postes disponibles, en raison des salaires trop bas et des conditions de travail peu enviables. En effet, non seulement les salaires augmentent deux fois moins qu’avant la crise de 2008, mais les plus touchés par cette anémie salariale sont souvent les travailleurs les moins payés. Pour bon nombre d’emplois, un vrai salaire minimum pourrait peser fort dans la balance. D’où la revendication d’un salaire minimum à 15 $ l’heure, qui constitue le seuil pour combler les besoins de base d’aujourd’hui.
Par ailleurs, les changements de valeurs des nouvelles générations ne sont pas à négliger, de sorte que l’organisation du travail doit aussi évoluer. Qu’on pense aux horaires de travail plus souples, à une participation accrue dans l’entreprise, ou aux congés (parentaux, sabbatiques, perfectionnement, etc.) qui visent à concilier le travail avec la vie familiale et personnelle. On ne le dira jamais assez, le travail est aussi un moyen de s’accomplir et de s’épanouir dans la vie.