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« Devant l’impasse, on craint de voir des personnes migrantes traverser la frontière par des chemins encore plus clandestins que celui de Roxham. » Photo : Dominic Bérubé

Justin Trudeau et Joe Biden peuvent se féliciter. Leurs gouvernements ont réglé un épineux dossier politique en modifiant l’Entente sur les tiers pays sûrs. À moins d’exception, finie l’obligation d’accueillir les demandeurs et demandeuses d’asile qui traversent de manière irrégulière la frontière terrestre entre les États-Unis et le Canada. D’un point de vue administratif, c’est une victoire. D’un point de vue humain, c’est une méchante défaite.  

L’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS), qui lie uniquement le Canada et les États-Unis, est entrée en vigueur le 29 décembre 2004. Elle prévoit, à quelques exceptions près, qu’une personne migrante demandant l’asile doit déposer sa requête sur le premier territoire sécuritaire où elle met les pieds. Autrement dit, une personne qui fuit les violences ou la précarité dans son pays d’origine ne peut transiter par les États-Unis pour demander l’asile au Canada.

Avant le 25 mars 2023, les personnes traversant la frontière canado-américaine entre les points d’entrée officiels évitaient l’application de l’accord et forçaient le Canada à étudier leur demande d’asile. 

Le protocole additionnel signé récemment avec notre voisin du Sud est venu colmater la faille qui existait dans l’entente et permet désormais aux autorités canadiennes de refouler les demandeurs et demandeuses d’asile vers les États-Unis et ce, peu importe l’endroit choisi pour traverser la frontière entre les deux pays.

À prime abord, on peut penser que c’est une bonne nouvelle. Après tout, le Canada, qui devait traiter un important volume supplémentaire de demandes d’asile, se sauve d’un casse-tête administratif. De toute manière, la sécurité des personnes migrantes qu’on renvoie aux États-Unis, une démocratie signataire de la Convention et du Protocole relatifs au Statut des Réfugiés, n’est pas menacée. Mais voilà, on peut sérieusement mettre en doute cette dernière affirmation.

Depuis 2017, le Conseil canadien pour les réfugiés, Amnistie Internationale et le Conseil canadien des Églises contestent l’ETPS devant les tribunaux. Ces organisations plaident que l’accord bilatéral contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés. Selon elles, les États-Unis ne peuvent être considérés comme un tiers pays sûr en raison notamment de l’augmentation des détentions arbitraires, de l’élargissement des renvois accélérés et même, dans certains cas, de la criminalisation des réfugié.es.

caricature boris mars immigration

En 2020, la Cour fédérale leur a donné raison en concluant que l’ETPS violait l’article 7 de la charte qui garantit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Malheureusement, la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision pour des raisons techniques. La cause a donc été portée devant la Cour suprême qui doit maintenant rendre sa décision. Ainsi, l’ETPS pourrait bientôt être invalidée.

Considérant cette possible invalidation, la décision d’élargir l’application de l’ETPS à ce moment-ci peut sembler précipitée. Par contre, ce qui fait réagir, c’est surtout l’annonce précipitée des nouvelles dispositions à moins de 24 heures de leur entrée en vigueur. Le court délai a eu pour effet de prendre au piège des personnes migrantes qui étaient en chemin vers le Canada. 

Les histoires de familles coincées aux États-Unis n’ont pas tardé à sortir dans les médias. Ces familles se sentent désemparées. Elles ne veulent pas demander l’asile en sol américain, mais leurs visas de transit arrivent à échéance sous peu.

Devant l’impasse, on craint de voir des personnes migrantes traverser la frontière par des chemins encore plus clandestins que celui de Roxham, le point de passage irrégulier le plus utilisé jusqu’à présent. Des témoignages recueillis tendent d’ailleurs à confirmer cette crainte. 

Dans les faits, la nouvelle mouture de l’ETPS n’empêche pas les traversées irrégulières. Elle les rend plus dangereuses parce que maintenant, il faut entrer au Canada sans se faire détecter pour espérer déposer une demande d’asile au-delà d’une période de 13 jours en sol canadien. Cette réalité rend les personnes migrantes plus vulnérables aux abus de passeurs sans scrupule.

En ratifiant l’ETPS, le Canada ferme les yeux sur les drames humains qu’il provoque. Il nie aussi ses responsabilités dans les causes qui sont à la source de ces migrations. 

Les personnes réfugiées fuient la persécution, les violences, la précarité, voire même les catastrophes climatiques qui découlent souvent de l’action ou de l’inaction des pays occidentaux comme le Canada. Ne l’oublions pas. Les richesses de nos pays se sont accumulées en exploitant celles des États du Sud global.

La modification de l’Entente sur les tiers pays sûrs est encore plus choquante quand on sait que le Canada, étant donné sa situation géographique, ne reçoit qu’une infime partie du flot migratoire mondial de demandeurs et demandeuses d’asile. On aurait dit qu’il refuse de faire sa part.

Soyons francs. Le Canada peut accueillir davantage de personnes réfugiées. En fait, il en a le devoir.

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