La fermeture de certains commerces en raison de la lutte contre la propagation de la COVID-19 nous a permis de distinguer l’essentiel de l’accessoire. Il ne fait aucun doute que les protections menstruelles font partie des biens qui sont considérés comme absolument indispensables.
Précarité menstruelle
La vulnérabilité économique prive pourtant certaines femmes de ces produits de première nécessité. Selon des études réalisées dans les dernières années, près du quart des femmes au pays auraient de la difficulté à se payer des produits menstruels pour elles-mêmes ou pour leurs filles. Ce phénomène se nomme précarité menstruelle et toucherait particulièrement les itinérantes, les personnes précarisées, incarcérées et les étudiantes.
Selon le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF), la précarité menstruelle fait partie des discriminations systémiques qui freinent l’égalité entre les sexes, notamment au niveau économique. En plus de constituer une charge financière supplémentaire pour les femmes, celle-ci entraîne des dérangements au niveau scolaire, professionnel et social.
Des déchets énergivores et polluants
Au cours de sa vie, une femme utilisant des produits menstruels à usage unique produira de 100 à 150 kilos de déchets. Sur le site web du RQASF, on peut lire que plus de 771 millions de tampons et de serviettes hygiéniques aboutissent dans les sites d’enfouissement chaque année au Canada. Le procédé de fabrication de ces produits, contenant notamment du plastique et des matières dérivées d’hydrocarbures, est énergivore, polluant et peut causer des problèmes de santé chez certaines femmes.
Heureusement, des pratiques saines, écologiques et économiques en matière d’hygiène féminine existent et connaissent actuellement un certain engouement. Qu’on pense à la coupe menstruelle, ce petit entonnoir de silicone qui collecte le sang et qui est réutilisable durant plusieurs années, ou aux sous-vêtements de menstruation et aux serviettes hygiéniques lavables.
Des politiques qui tardent
À l’image des tabous encore bien présents autour de ce sujet, les politiques publiques en matière de menstruations des femmes sont encore bien frileuses. Ce n’est qu’en 2015 que les deux paliers de gouvernement ont pris la décision de détaxer les produits d’hygiène féminine.
Au fédéral, on se souviendra que le gouvernement de Justin Trudeau a aussi proposé en 2019 de modifier le code canadien du travail afin d’obliger les employeurs sous juridiction fédérale à fournir gratuitement des produits menstruels à leurs employées, au même titre que le papier hygiénique. Il ne s’agissait pas toutefois de produits réutilisables et cette proposition est restée jusqu’à présent lettre morte.
Du côté du Québec, l’Assemblée nationale a adopté en décembre dernier une motion présentée par la députée Catherine Fournier, demandant au gouvernement du Québec d’étudier la possibilité de rendre les produits hygiéniques féminins accessibles gratuitement dans l’ensemble des institutions publiques, dont les écoles. La suite de cette démarche se fait encore attendre.
Des coupes menstruelles gratuites au Cégep de Trois-Rivières
L’Association générale des étudiants du Cégep de Trois-Rivières (AGECTR) n’a pas attendu que les politiciennes et politiciens se décident. Depuis quelques semaines, l’Association distribue des coupes menstruelles gratuitement aux étudiantes de l’établissement qui en font la demande. Un budget de 16 000 $ pour ce programme a été voté par l’association, ce qui permettra de distribuer 400 coupes menstruelles, rapporte Le Nouvelliste.
Un nouveau soutien de la ville de Trois-Rivières
Suite aux pressions de citoyens et d’organisations locales, une vingtaine de municipalités du Québec offrent une aide financière à l’achat de protections menstruelles durables aux résidentes de leurs territoires. Ce type de programme touche aux compétences municipales, notamment en matière de gestion des matières résiduelles.
Jusqu’à présent, aucune municipalité de la Mauricie n’avait emboîté le pas. Cela est sur le point de changer puisque le conseil municipal de Trois-Rivières a voté l’an dernier un budget de 5000 $ pour mettre sur pied un programme visant à stimuler l’adoption de produits menstruels durables. Ce programme, qui sera administré par le Centre de santé des femmes de la Mauricie, offrira dès le printemps 2021 des ateliers sur les produits d’hygiène renouvelables. « Dans le cadre de ces ateliers, les femmes se verront offrir une aide financière pour acheter une coupe menstruelle, culottes ou serviettes lavables », explique Pascale Dupuis, directrice générale du Centre de santé des femmes. « Le programme offre un volet sensibilisation, mais aussi un montant qui permet d’abaisser l’investissement initial nécessaire à l’achat de ces produits », précise-t-elle.
Selon nos sources, d’autres municipalités de la Mauricie peuvent s’attendre à des demandes pour l’adoption de tels programmes d’aide financière dans les prochains mois. Pour le RQASF, il est évident que « personne ne devrait avoir à choisir entre se nourrir et s’acheter des produits menstruels » et que « toutes les personnes menstruées au Québec doivent être soutenues financièrement pour l’achat de protections plus respectueuses de l’environnement et de leur santé ».
Sources :
Plan international (2018). Period stigma report
Réseau québécois d’action pour la santé des femmes. Site web Campagne rouge
Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (9 décembre 2020) Liste des municipalités québécoises et arrondissements montréalais qui offrent une subvention pour les produits menstruels réutilisables.
Le Nouvelliste (4 février 2021) Des coupes menstruelles comme projet environnemental