Photo : Dominic Bérubé

Les étudiant-es universitaires québécois-e se distinguent particulièrement par leur consommation d’alcool : elle est non seulement la plus élevée parmi les substances psychoactives consommées, mais aussi supérieure à celle qu’on observe dans d’autres régions du Canada.

En effet, selon le Portrait de l’usage de substances psychoactives chez les étudiants collégiaux et universitaires de 2019-2020, publié en janvier 2024 dans le cadre de l’Enquête canadienne sur la consommation d’alcool et de drogues dans les établissements d’enseignement postsecondaire, 80 % des étudiant-es québécois-es ont rapporté avoir consommé de l’alcool au cours des 30  jours précédant la cueillette des données. Il s’agit d’un taux plus élevé que celui de l’Ontario (70 %), des Prairies (68 %) et même de l’Atlantique (75 %). Bien que ces données aient été récoltées pendant la pandémie, un facteur d’ailleurs mentionné dans le rapport, Geneviève Desautels, directrice générale de l’organisme Éduc’alcool, affirme que la consommation d’alcool est largement répandue dans cette sous-population.

Contexte : la population canadienne

Pour mettre en perspective ces données, il est important de savoir que l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée au Canada, tous âges confondus. Selon cette même enquête, 62 % des Canadien-es de 15 ans et plus ont consommé de l’alcool au moins une fois dans les 30  jours précédant la cueillette des données. En revanche, les jeunes adultes, c’est-à-dire les personnes de 20-24 ans, sont particulièrement concernés, avec 69 % qui ont consommé de l’alcool et 48 % ayant eu un épisode de consommation abusive d’alcool durant la période étudiée.

Le passage à l’âge adulte

Selon les données de 2023 des ministères de l’Éducation et de l’Éducation supérieure, la sous-population québécoise formée des étudiant-es postsecondaires représente environ 228 000 étudiant-es inscrit-es au cégep et 314 000 étudiant-es inscrit-es à l’université. Le nombre d’inscriptions dans ces institutions est également en légère augmentation dans la province.

Cette étape de vie est marquée par l’acquisition de nouvelles responsabilités, notamment l’indépendance financière, professionnelle et sociale. Durant cette phase, les jeunes affrontent de nombreux changements biologiques, scolaires, professionnels et psychologiques, ce qui peut engendrer une détresse psychologique plus fréquente que dans d’autres groupes d’âge.

La génération COVID

En entrevue, Geneviève Desautels explique que la « génération COVID » est une

sous-population bien particulière : « Ça tend à se résorber, mais il y a eu toute la génération qui a vécu le cégep en ligne. » Ces jeunes n’ont pas appris à faire la fête de façon modérée, et là, ils se reprennent. D’après les données recueillies dans les sondages, ajoute Mme Desautel, une autre tendance est notable : les jeunes filles de ce groupe d’âge, qui auparavant ne se différenciaient pas nécessairement des garçons, « présentent maintenant une surconsommation d’alcool ».

La motivation de l’effet à tout prix

Cette représentation accrue des jeunes filles dans la surconsommation d’alcool « suscite toujours la même question : pourquoi on boit ? », souligne Geneviève Desautels. Cette motivation semble être précisément liée à la façon dont on consomme de l’alcool. « Si une personne boit de l’alcool seulement pour le déguster, elle risque beaucoup moins de tomber dans la surconsommation », soutient-elle. Par contre, si la principale motivation vise la désinhibition, c’est-à-dire de réduire la timidité et de solliciter des capacités de socialisation, les personnes risquent davantage de surconsommer de l’alcool. » Les rôles sociaux ou sexuels associés au genre féminin pourraient donc, en partie, expliquer cette hausse de la surconsommation chez les jeunes filles. Par ailleurs, le même principe s’applique à la gestion du stress. Tout bien considéré, et comme l’explique Geneviève Desautels, « si on veut compenser quelque chose, on risque plus de tomber dans la surconsommation encore une fois ».

Alcool et santé mentale

Il a été démontré, notamment dans l’enquête mentionnée plus haut, que les jeunes adultes qui qualifient leur santé mentale de « moins bonne » courent plus de risques de consommer de l’alcool. Même si l’alcool peut procurer une sensation de bien-être ou d’euphorie, les dangers associés à une consommation excessive sont bien documentés. La surconsommation d’alcool sur une longue période peut augmenter le risque de développer des pathologies et des symptômes de détresse psychologique, et également perturber le cycle du sommeil.

Au cours des dernières années, on a constaté la popularité croissante d’un nouveau mot sur les réseaux sociaux : hangxiety. Ce terme sert à décrire l’anxiété ou le malaise que certaines personnes ressentent après avoir bu de l’alcool, généralement le lendemain d’une soirée. De plus, les risques d’être témoins de microagressions lors de soirées arrosées sont plus élevés.

De fausses croyances

Geneviève Desautel affirme que les jeunes universitaires se distinguent par la « polyconsommation ». En fait, ces jeunes adultes mélangent davantage de substances psychoactives que la population en général. Elle ajoute qu’il est faux de penser que « fumer un joint va annuler le premier effet de l’alcool. En fait, c’est le contraire, ça le multiplie. »

Une autre fausse croyance concerne l’alcool au volant. « J’aimerais parler du mythe “je ne conduis pas”. De fait, plusieurs jeunes adultes banalisent la surconsommation d’alcool sous prétexte qu’ils ou elles n’ont pas à prendre le volant. » En même temps, les jeuns d’aujourd’hui sont plus responsables que leurs parents et leurs grands-parents en matière de conduite responsable. « Il faut célébrer ça. Toutefois, il ne faut pas se laisser berner », conclut Mme Desautels.

Alternalcool

L’organisme Éduc’alcool propose l’alternalcool, c’est-à-dire d’alterner les boissons alcoolisées et les boissons non alcoolisées. Il s’agit d’un outil de prévention visant à favoriser la modération. L’organisme propose plus de 150 recettes de cocktails sans alcool afin de donner des solutions de rechange aux buveurs et buveuses.

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