Alex Dorval – Les défis de la collectivité – Novembre 2020
La vente de MEC, cette coop britanno-colombienne de consommateurs spécialisée dans le commerce au détail d’articles de plein air, a créé une vague d’indignation chez ses membres qui auront tenté – en vain – de faire intervenir les tribunaux pour éviter la transaction des actifs de la coop à des intérêts privés.
Les administrateurs de MEC ont expliqué qu’ils n’auraient pas eu le choix de mettre rapidement la coopérative sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies sans préalablement aviser les membres des problèmes financiers encourus et amplifiés par le contexte de la crise économique en lien avec la COVID-19.
Selon Gaston Bédard, président-directeur général du Conseil Québécois de la Coopération et de la Mutualité (CQCM), ce type de situation aurait moins de risque de se produire au Québec.
Un cadre québécois plus rigide
Gaston Bédard fait valoir qu’au Québec, la Loi sur les coopératives prévoit une série de mesures d’intervention et recours légaux pour empêcher la vente des actifs d’une coopérative sans le consentement préalable des membres. Il réfère plus spécifiquement à l’article 89 de cette Loi:
« Le conseil d’administration ne peut également vendre, louer ou échanger la totalité ou la quasi-totalité des biens de la coopérative, hors du cours normal de ses affaires, sans y être autorisé par un règlement adopté aux trois quarts des voix exprimées par les membres ou représentants présents à une assemblée générale. » – Extrait de l’article 89 de la Loi sur les coopératives
Gaston Bédard indique que le CQCM joue un rôle de « répondant » face au gouvernement et qu’il revient uniquement au Ministère de l’Économie et de l’Innovation de faire respecter la Loi sur les coopératives et d’intervenir en cas d’infraction.
Une question de principes
La vente des actifs d’une coopérative à des intérêts privés soulève toutefois des interrogations, au-delà du cadre légal, quant aux moyens dont disposent les instances coopératives pour assurer que la gouvernance de l’entreprise respecte les valeurs et principes de la coopération.
Dans le cas de MEC, il semble que l’administration a outrepassé quelques principes et valeurs coopératives, à commencer par le non-respect du pouvoir démocratique des membres et le manque de transparence face aux difficultés financières encourues par l’entreprise.
Bien qu’au Québec, la Loi sur les coopératives soit plus rigide pour prévenir ce genre de dérive administrative, M. Bédard convient qu’il y a « place à l’amélioration ». Il indique à ce sujet que le gouvernement a récemment donné le feu vert à son organisme pour revisiter la Loi sur les coopératives. Le CQCM travaille donc actuellement avec divers experts et coopérant.es dans le but de faire évoluer le cadre législatif et répondre à certains enjeux.
L’enjeu du contrôle
« On est pris entre le contrôle et la confiance envers les membres », nous confie M. Bédard. Les coopératives étant des entreprises souveraines, la nécessité d’avoir une forme d’autorité externe au membrariat et au conseil d’administration pouvant intervenir lorsque les principes et les grandes valeurs de la coopération sont ignorés est depuis longtemps source de débat dans le milieu.
Gaston Bédard semble pour sa part préconiser une approche axée sur l’éducation et la promotion des principes coopératifs plutôt que de créer un cadre de régulation trop rigide. Il affirme valoriser « la confiance envers les membres » et souligne l’importance de sensibiliser les coopérant.es à « faire vivre la vie associative » au sein de leurs entreprises.
Lectures complémentaires :
Les membres de MEC se mobilisent contre la vente de leur coopérative
La vente de MEC finalement autorisée par le tribunal en Colombie-Britannique
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1738240/mec-vente-kingswood-decision-cour-sauvons-save-mec
Un des fondateurs de MEC se prononce
https://vancouversun.com/news/local-news/founders-reflect-on-sale-of-mountain-equipment-co-op