Suggestions de nos libraires – Septembre 2020 – Librairie Poirier
Ces montagnes à jamais, Joe Wilkins, éditions Gallmeister
À travers la pauvreté des petites villes et la richesse des paysages montagneux, suivez le récit de Wendell Newman, jeune homme célibataire habitant un mobile home et se nourrissant principalement de nouilles en canne, après que celui-ci se voit confier la garde d’un petit garçon. Rowdy est le fils de sa cousine perdue de vue depuis longtemps et dont les fréquentations douteuses l’ont menée en prison. L’enfant est pratiquement muet et a visiblement été victime de négligence, mais un lien éloquent se forme entre eux. Leur histoire s’inscrit dans les traces laissées par Verl Newman, cet homme qui s’est évaporé dans la nature il y a des années après avoir tué un garde forestier à bout portant, proclamant défendre ses droits. En contrepartie, revivez la tragédie de Gilian, la femme de l’homme assassiné et son combat dans ce Montana inhospitalier. En trame de fond, une bande d’hommes armés célébrant le paternel de Wendell comme un martyre. Une histoire de compassion malgré l’adversité.
- Laurence Grenier, Librairie Poirier
Isabelle, l’après-midi, Douglas Kennedy, Belfond
Juste avant d’entamer de longues études en droit, Sam décide de quitter son Amérique natale et achète un aller simple pour Paris. Il assiste aux représentations de films classiques et aux soirées arrosées dans les bars jazz, errant dans la ville en trainant avec lui sa solitude. Il rencontre alors Isabelle. Le jeune homme explore Paris et se découvre aussi lui-même dans les moments partagés avec sa nouvelle amante. Les deux s’inspirent par leurs conversations aux idées révolutionnaires et leurs caresses enivrantes. Cette passion hors du commun leur permet de goûter la liberté promise par le début des années 70. Cette douce insouciance les tiraille, de même que la peur de rater sa vie. Tout abandonner et s’engager dans l’inconnu pour suivre les élans de son cœur requiert une dose énorme de courage. Et si le chemin le plus fréquenté était en fait le plus éprouvant? Le dernier roman de Douglas Kennedy nous parle d’un amour vrai où la désinvolture se percute au rythme effréné du quotidien.
- Laurence Primeau, Librairie Poirier
Nickel Boys, Colson Whitehead, Les éditions Albin Michel
Floride, 1960. Elwood adolescent noir des quartiers pauvres de Tallahassee, marche vers l’université où il a décroché une bourse d’études pour son premier jour d’école. Il ne s’agit que d’une douzaine de kilomètres, mais quand un homme s’arrête pour lui proposer de l’emmener dans sa Plymouth Fury 61, il accepte, histoire de ne pas arriver en sueur à son premier jour. Quelques minutes plus tard, les gyrophares rouges et bleus les obligent à ranger la voiture sur le côté de la route. « C’est la première chose que j’ai pensée quand on nous a dit de chercher une Plymouth, sourit-il. Y a qu’un nègre pour voler ça », dit l’agent de police. C’est ainsi qu’Elwood est envoyé à la maison de correction Nickel Academy, qui fait office d’une version condensée de la société américaine ségrégationniste. Dans une langue maîtrisée qui oscille entre les images poétiques poignantes et une langue orale, mais non caricaturée, Colson Whitehead nous donne à voir une fiction particulière (inspirée de la véritable Dozier School for Boys) et à travers elle, on devine toutes les histoires d’oppression raciale. La Nickel Academy n’est pas sans rappeler les pensionnats canadiens pour Autochtones du XXe siècle, et nous renvoie par le fait même à notre propre fermeture d’esprit. Deuxième roman de Whitehead recevant le prix Pulitzer, Nickel Boys est le fruit d’un travail minutieux (l’auteur donne ses sources en note à la fin du texte) et d’une réactualisation nécessaire de notre mémoire collective.
- Anne-Marie Duquette, Librairie Poirier