La chanson comme berceau de l’identité Québécoise – Mélanges en l’honneur de Bruno Roy
collectif dirigé par Jean-Nicolas De Surmont,
Éditions du Québécois,
2022, 356 p.


Cet ouvrage est l’aboutissement d’une œuvre collective majeure, rejoignant les textes, les analyses et même les poèmes d’une vingtaine d’auteurs ou d’écrivains (Fernand Ouellet, Jean-Paul Daoust, Bernard Pozier, Marc Chabot), d’essayistes ou d’universitaires (André Gervais, Danick Trottier, André Vanasse et Richard Baillargeon) et d’artistes connus (Richard Séguin, Raôul Duguay). On peut même y lire un texte de 1974 sur la trifluvienne Pauline Julien, rédigé par Louis-Jean Calvet.

Parmi les différents textes, on peut d’abord mieux comprendre la pensée de Bruno Roy lui-même, écrivain, chercheur, défenseur principal dans la cause des Orphelins de Duplessis (lui-même étant orphelin), membre du comité Mouvement Québec français (1987-1996) et ancien président, à deux reprises, de l’Union des écrivaines et des écrivains du Québec (1987-1996, 2000-2003), soit l’UNEQ. C’est aussi à lui qu’on doit la fondation de la Maison des écrivains, en 1992, à Montréal.

Ensuite, en raison que Bruno Roy a écrit sa thèse, en 1992, sur la dimension manifestaire de la chanson québécoise entre 1960 et 1980, sous la direction de Robert Giroux, ce livre est également l’occasion d’en apprendre davantage sur l’histoire du développement ré- cent de la musique au Québec : la distinction entre la chanson traditionnelle, les chansonniers et les boites à chanson au Québec, l’évolution du processus de légitimation de la chanson québécoise jusqu’aux réflexions entourant l’émergence d’une identité musicale proprement québécoise. Selon moi, cet ouvrage marque un tournant dans notre historiographie, parce qu’il sera un livre indispensable dans les milieux académiques et pour tous les historiens de la musique québécoise. Il est divisé en trois sections : création, témoignages et entretiens, puis analyses, suivies de repères chronologiques. Par son accessibilité, son esprit de synthèse, l’actualité de ses propos et son éclectisme artistique, c’est un hommage sincère et profond à Bruno Roy, douze ans après son décès à l’âge de 66 ans, en 2010.


Le carcan : Jacques Poisson (1917-2002), une pensée sociopolitique à redécouvrir
par Hélène Poisson,
Éditions Carte blanche,
2020, 345 p.


Dans l’histoire du Québec, plusieurs militants politiques et même certains intellectuels sont parfois passés inaperçus, absents du grand récit national, pour diverses raisons. Jacques Poisson, qui s’est engagé pendant près de 40 ans dans le mouvement indépendantiste, est l’un de ceux-là. Par cet ouvrage, sa fille lui rend un honneur mérité en s’appuyant sur la pensée et les écrits de son père, tant ses nombreux articles que ses lettres avec les grands acteurs de son époque, tels que Marcel Chaput ou Raymond Barbeau. L’auteure retrace notamment sa bataille pour la refrancisation de l’enseignement primaire et contre l’américanisation de l’enseignement universitaire qui devenait un « instrument de dénationalisation ». Jacques Poisson déplorait alors l’impérialisme culturel des États-Unis, « qui nous satellise par l’enseignement, l’information, la publicité et la propagande ».

Non seulement ce livre nous fait revivre les grands moments de la Révolution tranquille, mais il permet de situer le combat d’un homme hors du commun qui a toujours suivi ses intuitions plutôt que les tendances populistes ou la pensée facile. Boudé de son vivant par les milieux intellectuels et nationalistes, peut-être incompris de ses contemporains et ce, malgré sa trans-partisannerie (il avait des conversations avec toutes les tendances indé- pendantistes : gauche, droite, centre ou indéterminée) ; Jacques Poisson a également dû se battre contre la censure, le chantage ou sa propre ostracisation, ce que nous appelons aujourd’hui la culture du bannissement (cancel culture). Un livre brillant, complexe, mais très actuel, qui doit être lu par toutes les personnes qui s’intéressent à cette époque – fondement essentiel de la société québécoise – surtout dans un contexte polarisant qui favorise des débats qui empêchent parfois d’évoquer ceux qui ne pensent pas comme nous.

 

Vers l’abrutissement de l’espèce humaine : inventaire des délires idéologiques du XXIe siècle
par Romain Gagnon, préface par Yvon Dallaire,
Éditions Stratégikus,
2022, 248 p.


Après avoir bouleversé les idées reçues en matière de nutrition avec Vivre mince, gourmand et en santé (2004), et s’en être pris au dogmatisme religieux avec Et l’homme créa Dieu à son image (2019), Romain Gagnon récidive avec un essai portant sur les délires idéologiques de notre époque, tant ceux de l’extrême droite que de l’extrême gauche. Appuyé par plus de 200 études scientifiques, l’auteur s’attaque à différents mythes ou tabous tels que la monogamie, le gluten, le CO2, les OGM, la qualité de vie des Autochtones, les effets de la température sur la propension à la violence (par exemple, le froid a contribué à socialiser notre espèce). Il démontre aussi que « notre système démocratique est victime de la tyrannie des minorités », que le végétalisme n’est pas écologique et que les motivations profondes du véganisme sont parfois semblables aux fanatismes religieux.

Enfin, l’auteur défend avec une argumentation impressionnante les idées selon lesquelles 1) l’État et l’école doivent être rigoureusement laïques, par exemple que le droit à l’avortement devrait être enchâssé dans la constitution ; 2) que « le conspirationnisme doit être reconnu comme maladie mentale » ; 3) « que tout produit de consommation devienne carboneutre » ; 4) qu’il faut éliminer le critère ethnique pour véritablement combattre le racisme ; 5) que « l’adoption de l’écriture épicène ou inclusive doit demeurer un choix personnel et volontaire » ; et 6) qu’il faut « cesser de banaliser l’obésité » en instaurant une taxe sur la malbouffe afin de mieux nourrir les moins nantis.

À lire absolument pour tous ceux qui s’intéressent aux enjeux touchant la nutrition, l’identité de genre, les changements climatiques, la démographie, l’analphabétisme, le climato-scepticisme, les apports et les dangers de la science, les dérives de l’intégrisme religieux et le droit au blasphème.

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