
La Ville de Trois-Rivières termine actuellement son processus d’embauche à la direction générale. Méconnu du grand public, le poste de directeur général ou directrice générale (DG) tient toutefois une place centrale dans le régime démocratique municipal, puisque la personne qui en est titulaire a autorité sur tous les autres fonctionnaires de la Ville. Par ailleurs, les responsabilités qui incombent au DG ont considérablement augmenté depuis la création de cette fonction il y a un peu plus d’un siècle.
Parmi les responsabilités les plus importantes, le ou la DG est responsable de concrétiser la vision des élu(e)s, d’effectuer une reddition de compte et de leur transmettre les informations qu’ils et elles jugent nécessaires, utiles ou pertinentes à leur prise de décision. Le poste demande donc un sens politique bien aiguisé : la loi prévoit que le ou la DG doit collaborer avec l’ensemble des élu(e)s, y compris les conseiller(ère)s, tout en maintenant une relation de proximité avec la mairie. Toutefois, comme les maires et mairesses ne partagent pas toujours la vision du conseil, les DG se trouvent régulièrement « entre l’arbre et l’écorce », c’est-à-dire à subir une pression politique de part et d’autre, ce qui peut provoquer des relations tendues entre les élu(e)s et la fonction publique.
Une crise de confiance ?
Des témoignages récents laissent présager que la relation de confiance entre les élu(e)s et la fonction publique municipale se dégraderait un peu partout au Québec. À Sherbrooke, la nouvelle mairesse affirmait récemment avoir l’impression d’être sous-estimée par sa fonction publique et vouloir « casser le moule » d’une ville gérée par les fonctionnaires, où les élu(e)s ne jouent qu’un rôle accessoire.
Cette tension, Michel Byette l’observe régulièrement, lui qui a été directeur général de la Ville de Trois-Rivières et qui agit aujourd’hui comme formateur auprès de DG et d’élu(e)s dans toute la province. Au fil des ans, il a vu apparaître « une brisure entre des directeurs généraux et leurs maires, mais aussi entre directeurs et conseillers ». Pour lui, il s’agit d’une problématique qui intervient dans les deux sens : « D’un côté, les nouveaux élu(e)s arrivent avec des revendications citoyennes pour améliorer les services publics et veulent changer la manière de gérer la ville, mais leur mandat réside davantage dans la vision que dans la gestion. De l’autre, les directeurs généraux, et plus largement la fonction publique, se disent que les élu(e)s ne sont que de passage et doivent s’appuyer sur leur expertise professionnelle. » Alors les divisions s’installent et plus rien n’avance.
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À Trois-Rivières, le conseiller municipal François Bélisle espère que le processus d’embauche actuel permettra d’améliorer la situation : « Actuellement, certains élus ont l’impression que la haute direction est en symbiose avec la mairie plutôt qu’avec l’ensemble du conseil et la prochaine direction générale aura le rôle crucial de se rapprocher de l’ensemble des élus. » Il écorche au passage le processus en cours, alors que le comité de sélection ne représente pas, selon lui, toutes les couleurs présentes autour de la table : « [Le comité] est composé du maire et de deux élu(e)s proches de lui. On espère quand même que la candidature retenue sera perçue comme politiquement neutre, ce qui pourrait dissiper une certaine méfiance prévalant entre les élu(e)s et la haute fonction publique. »
Une charge aussi importante que difficile
Pour améliorer la confiance des élu(e)s envers la fonction publique municipale, Michel Byette propose aux villes de sélectionner des candidats empathiques, à l’écoute de l’ensemble du conseil et capables de leur faire de bonnes redditions de compte, ce qui manquerait actuellement dans plusieurs municipalités, selon lui. Les DG devraient aussi agir en « médiateurs et travailler à préserver l’harmonie au sein du conseil ». Ce sont certainement là des défis importants qu’il connaît bien, puisqu’il a œuvré dans l’administration Lévesque à l’époque du « groupe des sept ».