Stéphan Béland, mai 2016
Le mouvement syndical a contribué à façonner le portrait de notre belle province. Facteur important de changement social, il fait face, depuis sa création, à des défis divers.
Madame Andrée Guillemette, présidente du Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ-CSQ) et monsieur Paul Lavergne, président du Conseil central de la CSN- Cœur du Québec, ont rencontré La Gazette de la Mauricie pour donner un aperçu des défis actuels auxquels sont confrontées les organisations syndicales en Mauricie.
La défense des membres : une « première priorité »
La mission première d’un syndicat est la défense des droits de ses membres. À ce chapitre, madame Guillemette, s’étonne encore à devoir défendre – en 2016 – des femmes qui pourraient être désavantagées parce qu’elles sont enceintes. « Quand un employeur peut, de façon aléatoire, diminuer le nombre d’heures de réaffectation pour des femmes enceintes, on est en mesure de se poser de sérieuses questions », souligne-t-elle.
Le problème dans le système de santé est d’autant plus grand depuis les réformes Barrette. En effet, il est plus difficile pour le syndicat d’interpeler l’employeur dont le manque de ressources favorise l’épuisement. « On sait que nos membres peuvent profiter d’une assurance-salaire. Si, au début, cette assurance peut être payée par l’employeur, après un court laps de temps, ce sont les employés qui se paient cette assurance. Or, les congés pour épuisement sont souvent, au départ, le fruit d’un manque de ressources que l’employeur ne fournit plus. Pourtant, au bout de la ligne, c’est le régime d’assurance-salaire que se paient les employés qui se retrouve sous pression », s’indigne le représentant de la CSN.
Militantisme et relève syndicale
Les syndicats doivent par ailleurs toujours trouver de nouvelles façons de « mettre leurs membres en action ». À cet égard, monsieur Lavergne affirme qu’il faut d’abord et avant tout s’assurer que personne n’est gêné d’être syndiqué. C’est notamment pour cette raison que le prochain Congrès du Conseil central de la CSN aura pour thème « SyndiquéEs !? Oui, heureusement ! ». Selon lui, c’est le message que les organisations syndicales doivent transmettre à la génération plus « autonomiste » d’aujourd’hui. Ces mêmes organisations doivent également, pour susciter l’adhésion de leurs membres, porter un discours positif et constructif… même s’il sert à déconstruire le discours de la « droite politique ». Il faut donc outiller les membres à cette fin.
La présidente du SIIIACQ abonde dans le même sens et dit souhaiter voir un jour – plus tôt que tard – un plan d’action commun, une convergence d’intérêts des acteurs sociaux situés plus « à gauche » propre à leur permettre de se solidariser. « C’est important et urgent de faire face aux « grands penseurs » du néolibéralisme qui s’attaquent constamment et avec austérité au tissu social québécois qu’on a mis des années à mettre en place pour le bien de la population », dit-elle avec ferveur.
Syndicalisme et engagement politique
Mme Guillemette ajoute que les syndicats doivent, notamment, s’engager politiquement. « Mais s’engager politiquement, ne veut pas dire faire de la politique partisane », avertit-elle.
Sur ce plan, le représentant du Conseil central de la CSN estime qu’il ne faut pas que les syndicats investissent seulement les paliers provincial et fédéral, mais qu’il leur faut également influencer les décideurs municipaux et régionaux. Le Conseil régional des partenaires du marché du travail, un lieu de concertation économique où sont discutées des solutions porteuses pour toute la population mauricienne, est un véhicule concret dans lequel s’engage politiquement les syndicats. « Nous devons toujours avoir une vision plus large comme représentant des travailleuses et travailleurs. Je prends comme exemple le projet de loi 70 sur l’adéquation formation-emploi. Nous devons travailler à contrer les dérives d’un tel projet de loi axé sur les seuls besoins des entreprises au détriment de l’être humain qui se trouve derrière le « travailleur-producteur ». L’économie est importante… tout comme l’être humain », conclut-il.
Bref, si tout bon dictionnaire définit le mot « défi » comme le refus de se soumettre, le terme rend très bien compte de la source première de l’énergie qui anime le syndicalisme québécois depuis sa création. Au fil du temps, ce refus s’est transformé en acquis concrets que les organisations syndicales s’appliquent à protéger et bonifier, tant pour les membres qu’elles représentent que pour l’ensemble de la société.