Le 26 août dernier, l’atelier de vélo communautaire La Cyclerie, tenait son premier rassemblement citoyen en offrant une projection publique du documentaire Motherload dans la cour du Séminaire Saint-Joseph. L’événement donne le ton à ce que souhaite accomplir l’organisme : soutenir le développement du vélo comme moyen de transport à Trois-Rivières.
Une cinquantaine de personnes se sont déplacées — la majorité en vélo — pour assister à la projection de ce documentaire écoféministe sur l’usage du vélo-cargo pour les déplacements quotidiens.
Le film présente ce moyen de transport comme un outil d’émancipation et insiste sur le bien-être éprouvé par les usagères qui se reconnectent ainsi à leur corps, à leur environnement et à leur communauté. Plusieurs sont des mères qui choisissent de transporter leurs enfants à vélo-cargo plutôt qu’en voiture.
Historiquement, le vélo aurait « transformé la société plus rapidement que toute autre invention dans l’histoire de l’humanité ». Il est devenu un symbole du féminisme et de révolution sociale dans les années 1890, en permettant une liberté de déplacement aux femmes ainsi qu’une réappropriation « de leurs corps et de leurs pouvoirs » révèle le documentaire. Aujourd’hui, « une nouvelle transformation sociétale pourrait arriver à nouveau, si on lui permet de prendre place, mais cette fois-ci, les enjeux sont encore plus importants », soutient la narratrice en faisant référence aux changements climatiques.
La parentalité à vélo
Invitée à prendre parole lors de l’événement, Laura Pedebas, autrice du blogue La Cyclonomade, s’est rendue à Trois-Rivières à vélo depuis Granby en transportant ses deux fillettes. Un périple de près de 200 km qui n’a rien d’un défi pour celle qui a parcouru le monde sur deux roues et qui se sert du vélo-cargo comme principal moyen de transport quotidien, hiver comme été.
Or, ce mode de transport est encore si marginal au Québec que la Granbyenne a reçu la visite de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) l’an dernier en raison d’un signalement pour « transport dangereux ». Une intervention qui n’a pas eu de suites puisque le vélo-cargo a été jugé sécuritaire, mais qui a fait prendre conscience à Laura Pedebas du travail requis pour faire changer les perceptions.
L’incident a raffermi la motivation de la jeune maman à prêcher par l’exemple : « il faut être là, être visibles. En le faisant tous les jours, ça donne envie aux autres de le faire aussi, c’est un cercle vertueux », dit-elle.
La base d’un changement de culture
Accroitre la visibilité et la pratique du vélo fait indubitablement partie de la mission de La Cyclerie : « Nous voulons bâtir une culture du vélo à Trois-Rivières, explique Claude Ferron, co-initiateur du projet. La taille de notre ville est idéale pour pouvoir tout faire à vélo. On n’a aucune excuse, tout est accessible », affirme-t-il.
La discussion collective qui a suivi la présentation a fait ressortir les multiples effets positifs qu’entraine habituellement un accroissement des déplacements utilitaires en vélo dans une ville, notamment l’effet de la pratique du vélo sur le bien-être, ses bénéfices sur la santé ainsi que son incidence sur l’économie locale et la densification urbaine.
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Présent à l’événement, Pierre Montreuil, conseiller municipal du district du Carmel affirme avoir adopté « la pratique du vélo comme philosophie de vie » douze mois par année depuis près de 40 ans. Sa famille n’a jamais eu à posséder une seconde voiture. Selon lui, réduire le nombre de voitures par foyer constitue un objectif central pour diminuer les gaz à effet de serre, en plus de réduire le stress financier des familles.
« Transporter mes enfants à vélo m’a fait comprendre qu’il y a peu de choses plus stimulantes à l’ère de la consommation que la capacité de tout créer à partir de rien. Lorsque vous pouvez, avec le plus simple des outils, faire votre propre bonheur, vous êtes libres de remettre en question les systèmes et les structures dans lesquels vous vivez pour ensuite tracer votre propre chemin. »
Liz Canning, productrice et narratrice du documentaire Motherload.
Pédaler, c’est voter
Comment alors faire passer le message en cette période électorale ? Pour Laura Pedebas, il n’y a rien de tel que de prêcher par l’exemple. « Prendre son vélo est devenu aujourd’hui un acte éminemment politique », peut-on lire sur son blogue. « Se déplacer à vélo représente un vote quotidien pour la ville que vous rêveriez de bâtir […] c’est voter pour des infrastructures cyclables, des villes faites pour les humains, un monde avec moins de pétrole, un air plus propre, une planète plus saine. »
À Portland, en Oregon, une mobilisation citoyenne pour généraliser le transport à vélo s’est traduite par une action en justice pour obliger la Ville à prévoir des infrastructures cyclables dans le cadre de chaque projet routier. Deux ans de travail impliquant une dizaine d’avocats bénévoles se sont terminés par une victoire inédite qui a complètement transformé cette ville.
Assisterons-nous à un mouvement semblable à Trois-Rivières ? À voir l’enthousiasme des personnes présentes à l’activité, l’idée semble définitivement faire son chemin.