Dans son rapport quinquennal déposé en juin 2021, Vélo Québec fait état d’une hausse importante des ventes de bicyclettes au Québec en 2020, passant d’une moyenne annuelle de 600 000 à 950 000 vélos. Malgré cette hausse d’intérêt, la pandémie et le télétravail ont eu pour résultat de freiner légèrement la pratique du vélo chez une partie de la population qui l’utilisait principalement comme moyen de transport. Pour mieux comprendre l’impact de la pandémie et savoir comment se porte notre culture vélo à Trois-Rivières, nous nous sommes entretenus avec divers intervenants municipaux et experts en culture et aménagement cyclables.
Les statistiques du vélo à Trois-Rivières
Selon Jean-François Rheault, directeur de Vélo-Québec, la pandémie a eu deux effets sur la culture vélo. Un premier effet positif qui a mené une partie de la population à profiter davantage de l’extérieur, à s’acheter un vélo et à se mettre en forme. Et un second effet négatif chez les cyclistes utilitaires que le télétravail a gardé à la maison.
Sur les 65 000 cyclistes trifluviens, 27 000 sont des cyclistes utilitaires, c’est-à-dire qui ont recours au vélo comme moyen de transport. «La hausse des ventes de vélo touche certains endroits plus que d’autres. À Trois-Rivières, ce qu’on voit c’est que la pratique est restée plutôt stable», indique M. Rheault. 9 % des Trifluviens et Trifluviennes disent avoir fait plus de vélo en contexte de pandémie, 71 % en avoir fait autant et 20 % en avoir fait moins. L’intérêt pour le vélo de montagne à Trois-Rivières est toutefois à souligner, ayant fait un bond de 33 % depuis 2015 et comptabilisant maintenant 12 000 adeptes. La diversité et la qualité de l’offre des parcours à Trois-Rivières et dans les environs confirment et expliquent cet engouement selon Vélo-Québec.
Développements et perceptions citoyennes
Totalisant 181 km de voies cyclables, Trois-Rivières enregistre ainsi une hausse considérable de 71 % de son réseau cyclable par rapport à 2015. «Il y a beaucoup de projets porteurs qui ont été fait dans les dernières années, dont le nouveau parc linéaire des Coteaux sous les lignes haute-tension d’Hydro-Québec», indique Guillaume Cholette-Janson, responsable des communications à la Ville de Trois-Rivières. Cet aménagement de 2,8 km dans le secteur Des Chenaux est « une belle façon d’agrandir de l’intérieur » fait-il valoir. La ville y achève cet été le marquage et la signalisation puis travaillera ensuite à connecter l’extrémité nord avec le parc linéaire central.
«L’objectif global de la Ville c’est de connecter son réseau cyclable et de l’aligner sur les grands générateurs de transports, dont le quartier des études et le CIUSSS qui sont des gros pôles d’emplois. L’idée c’est d’aller les raccorder avec les quartiers résidentiels aux 4 coins de la ville.» Du côté Est, un projet de pont piéton et cyclable visant à relier le haut du secteur Cap-de-la-Madeleine au secteur Des Chenaux est à l’étude au comité de mobilité durable et sécurité routière de la Ville et au Ministère des Transports du Québec. Embryonnaire, ce projet représenterait un 2e lien cyclable entre le Cap-de-la-Madeleine et Trois-Rivières. Malgré ces multiples initiatives de développement du réseau cyclable, le rapport de Vélo Québec fait état de 71 % des Trifluviens et Trifluviennes qui croient que la Ville doit en faire plus.
Copenhageniser Trois-Rivières
Claude Ferron, actuel conseiller municipal dans le district des Rivières, est un cycliste du quotidien ayant participé dans les dernières années avec quelques collègues à mieux affirmer la culture vélo à Trois-Rivières. Bien qu’il souligne la réussite de beaux projets comme le parc linéaire Des Coteaux et la vélo-rue sur Saint-François-Xavier, M. Ferron aimerait voir le conseil faire preuve de plus d’audace dans sa stratégie de développement, notamment sur le plan du budget : « Il faut reconnaître que les coûts de développement sont énormes, mais les gains le seraient aussi », lance celui pour qui la culture vélo devrait être promue non seulement comme mode de transport actif, mais comme réponse à l’urgence climatique. « Je crois qu’il faut qu’on se dote d’un budget à la hauteur de nos ambitions et de nos responsabilités ».
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Le conseiller remarque également que la vision polarisée et stéréotypée qui oppose l’automobiliste utilisateur-payeur au cycliste athlète vêtu de lycra persiste au sein de la population et chez plusieurs élus.
« Il faut inverser ce discours et faire valoir que les cyclistes sont des usagers principaux », croit Michael Setz Wexler chez Copenhagenize Design Co. La compagnie danoise a depuis 2017 un bureau à Montréal et travaille avec des municipalités et pays à travers la planète, développant des projets d’aménagement cyclables et d’implantation de communications visant à valoriser la culture vélo. «C’est extrêmement difficile pour les politiciens de retirer des espaces routiers aux automobilistes, mais c’est le job des élus de se poser la question si c’est bon pour la santé de ses citoyens, puis de prendre le temps d’expliquer les démarches à ceux qui sont fâchés», ajoute M. Wexler.
M. Wexler fait remarquer que le réflexe en aménagement de voies cyclables est souvent de prendre les petites rues avoisinantes plutôt que les rues principales. Si on veut vraiment donner une place équitable aux vélos, comme l’a fait l’administration Plante à Montréal, il faudrait plutôt aménager «des voies protégées de 2.5m pour les cyclistes avec une voie pour ceux plus rapides. Avec de bonnes infrastructures on peut créer une meilleure culture vélo», affirme-t-il. « On construit les voitures avec des sièges de passagers, il faut avoir des pistes aussi larges pour permettre de se mobiliser en groupe également », fait valoir M. Wexler, laissant savoir au passage qu’il aimerait bien travailler avec la Ville de Trois-Rivières, y voyant « un grand potentiel de connecter l’ensemble des secteurs de la ville en incluant des aires protégées pour le vélo.» Comme M. Ferron, M. Wexler croit que les villes gagneraient à se doter d’un budget et d’une stratégie spécifiques au vélo : «pour les villes américaines étendue et faites pour l’automobile, il faut inclure le vélo dans le plan de développement de mobilité durable, mais c’est aussi important que le vélo ait sa propre stratégie et ses propres indicateurs de réussite.»
Vélo Québec fait état dans son rapport sur Trois-Rivières d’un potentiel de 44 % de hausse pour les déplacements de moins de 5 km et de 13 % pour l’utilisation du vélo comme moyen de transport.
Autres initiatives inspirantes
Les intervenants consultés nous ont fait part de plusieurs initiatives inspirantes qui pourraient être implantées à Trois-Rivières.
- Laval offre 400 $ à ses citoyens pour l’achat d’un vélo électrique.
- Incitatifs aux entreprises et institutions pour valoriser le vélo-boulot (stationnement sécurisé, accès à des douches, allocations, offres de formation et ateliers de soutien mécanique.
- Implantation de réseaux de vélo-partage et vélos libre-service (ex : Bixi).
- Développement d’une marque forte et identitaire autour de la culture du vélo, sans se limiter à l’aspect de la sécurité, mais aussi à la fierté trifluvienne et aux valeurs écologiques.
- Saines habitudes de vie : recourir à des ambassadeurs et aux médias pour valoriser l’économie financière et le bien-être associés à la pratique du vélo.
« En char, à vélo ou à pied ! »
La Ville de Trois-Rivières lançait en juin une campagne de communication visant à promouvoir la sécurité routière et la cohabitation harmonieuse des moyens de transports. «Avec la campagne Bien sûr, on vient expliquer à quoi servent les aménagements piétonniers et cyclables. Pour les changements de comportements, on doit toujours trouver un angle qui frappe l’imaginaire, on a donc travaillé avec le groupe Quartz pour faire une chanson et vidéo ludiques sur la sécurité routière, dans laquelle on traite également du vélo», souligne M. Cholette-Janson. Trois-Rivières a également entamé les démarches avec Vélo-Québec pour obtenir la certification de ville Vélo-Sympathique.