On apprenait récemment que l’aménagement des jeux d’eau prévu sur l’esplanade de l’amphithéâtre de Trois-Rivières a été reporté à l’année prochaine. Il ne reste plus à espérer que ce projet soit abandonné pour de bon, tant il semble incongru d’installer une si futile distraction aux abords d’une rivière majestueuse et de son fleuve. Ce sera ça de pris pour l’amphithéâtre, lui dont la vie n’est pas de tout repos.
On se rappellera en effet qu’il a été affublé, dès sa naissance – signe des temps – d’une dénomination plutôt bancale. Ses premiers jours ont été difficiles : on a érigé l’amphithéâtre sur des terrains minés par la controverse. D’aucuns ont raillé son architecture, et encore… Quoi qu’il en soit, la vie des grands monuments commence souvent dans la polémique. Ainsi en a-t-il été de la tour Eiffel, dont Alfred Jarry disait qu’il dînait le plus souvent au restaurant du deuxième étage, car c’était le seul endroit dans Paris où il ne la voyait pas.
Ceci étant dit, la première chose qui surprend, quand on marche dans la cour de l’amphithéâtre, c’est la vie qu’il y a autour. Le monument est bien vivant. Il crée de la lumière. Il fait de la place. Il prend ses distances. Il se donne de la vitesse et vainc ainsi son immobilité apparente… Tout près, il a engendré un drôle de rejeton. La sculpture de Ludovic Bonney, dans un concert d’arcs et de tuyères, a puisé dans le volume, dans les angles, dans les pleins et dans les vides de l’édifice, une force créatrice qui la propulse littéralement dans l’espace. Peut-être est-ce le propre d’une architecture réussie de se voir apparentée de si belle façon à la sculpture.
Jusqu’à maintenant, l’amphithéâtre nous a fait honneur. Il a donné vie à des événements grandioses. Les concepteurs du Cirque du Soleil, l’œuvre de Beau Dommage, celle de Robert Charlebois, et pour bientôt Luc Plamondon, n’ont pu trouver meilleur refuge. En plus d’être esthétiquement intéressant, l’amphithéâtre de Trois-Rivières serait donc d’une redoutable utilité? Et on n’a probablement encore rien vu.
Le spectacle donné à l’intention des sinistrés du printemps en livre un avant goût. L’expression de solidarité qui a eu lieu à cet endroit s’est accompagnée d’une fierté collective bien ressentie. Une telle disposition n’est peut-être que le prélude à des manifestations citoyennes encore plus inventives. Comme bien des monuments d’envergure, l’amphithéâtre recèle sans nul doute un potentiel à faire advenir des moments uniques au regard du vivre-ensemble.
En associant plus étroitement la participation citoyenne à sa destinée, ce que devrait encourager une administration culturelle ouverte d’esprit, l’amphithéâtre pourrait contribuer à nous unir dans un même désir de créer, d’innover, de vaincre nos peurs, de dépasser nos limites. Il y aurait là un élan rassembleur, faisant en sorte que tout le paysage bouge afin que le bateau puisse avancer, comme l’écrit sur les bancs en granite de l’esplanade le poète Guy Marchand. Allez vous y asseoir cet été pour méditer dans l’environnement de l’amphithéâtre. Une belle façon de profiter de la vie et d’imaginer les rêves les plus fous.