Caricature tiré de l'article Caricature ton Trump rédigé par Isabelle Padula, directrice générale et journaliste. Artiste: un élève de l'École Beau-Soleil de Pointe-du-Lac

Pas d’analyses post-électorales, mais quelques réflexions

Les analyses postdisant les résultats en enlignant tous les facteurs explicatifs de la défaite des démocrates foisonnent depuis le 6 novembre. Je n’en rajouterai pas à ce chapitre. J’irai plutôt de quelques commentaires et observations.

Les Américains voulaient du changement…

Ils en auront. Et possiblement que certains se diront qu’ils auraient dû faire attention à ce qu’ils souhaitaient car il arrive que les vœux se réalisent. Et en bout de campagne, voici ce que la fée Démocratie leur a donné :

  1. une présidence républicaine pour 4 ans;
  2. un Sénat républicain pour au moins deux ans;
  3. très probablement une Chambre des représentants républicaine pour au moins deux ans;
  4. une Cour suprême républicaine pour encore longtemps, très longtemps.

Prochain rendez-vous en 2026 pour les élections de mi-mandat qui pourront peut-être redonner aux démocrates le contrôle du Sénat, de la Chambre des représentants ou, qui sait, les deux.

À lire aussi : Caricature ton Trump

Est-ce que la démocratie est un concept autodestructeur?

La démocratie, c’est parfois trop beau pour être vrai. C’est un concept ouvert qui, par définition, doit laisser la parole à celles et ceux qui n’en ont que faire, et même qui sont contre. Les Américains auront eu le président qu’ils voulaient. C’est ça la démocratie.

Certains diront que c’est aussi celui qu’ils méritent, mais il est encore trop tôt pour juger de ses actions (il y a de ces choses que personne ne mérite !). Ses intentions étaient toutefois claires et connues. Et cette année, difficile de blâmer le système électoral américain; Trump a devancé Harris dans tous les états pivots et aussi au nombre de votes à l’échelle nationale.

Parlant des intentions de Trump… Quel pourcentage de ses promesses électorales sont tenues? Le site Politifact [1] montre que près de la moitié des promesses de Trump ont été tenues ou partiellement tenues lors de son premier mandat, mandat pendant lequel quelques garde-fous ont réussi à encadrer, un peu, certaines de ses actions et de ses décisions.

Pour ce second mandat, nombreux sont les observateurs qui pensent qu’il en sera autrement. En cette deuxième semaine de novembre, ses choix pour les postes clés sortent en rafale et ne sont pas tous rassurants pour ce qui est de la possibilité qu’ils jouent un rôle d’agents modérateurs. En voici quelques-uns :

  • Susie Wiles, première femme à occuper le poste de Cheffe de cabinet et qui était la cheffe d’orchestre de la campagne électorale de Trump.
  • Elon Musk à la tête du nouveau Département de l’efficacité gouvernementale.
  • Pete Hegseth pour le poste de Secrétaire à la défense. Hegseth est un vétéran américain animateur à Fox News.
  • Marco Rubio, sénateur floridien, pour le poste de Secrétaire d’état. Il n’est pas en faveur de l’aide militaire et économique à l’Ukraine et est dans la même ligne de pensée que Michael Waltz en ce qui concerne la Chine.
  • Michael Waltz, représentant de la Floride, au poste de conseiller à la sécurité nationale. Qualifié de faucon, il est critique envers la Chine et risque de ne pas être la personne qui tentera de clamer le jeu entre les deux super puissances mondiales.
  • Tom Homan au contrôle de l’immigration (surnommé le Tsar des frontières). Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de lui, mais vous avez probablement entendu parler de ce qu’il a fait. C’est lui qui, sous la première présidence de Trump, avait ordonné la séparation des enfants – plus de 4 000 – de leurs parents migrants détenus. Lors de la convention républicaine de cet été, il a déclaré ceci à ses partisans : « J’ai un message pour les millions d’immigrants illégaux que Joe Biden a autorisé dans notre pays : vous feriez mieux de commencer à faire vos valises maintenant. » [2]
  • Lee Zeldin, ancien représentant républicain de l’état de New York, aux commandes du dossier sur les changements climatiques. Zeldin joue plutôt dans l’équipe « drill baby drill».

Trump en a fait plusieurs, des promesses électorales, et de grosses : la plus grande déportation massive de l’histoire des immigrants illégaux avec l’aide de la Garde nationale, tarifications douanières systématiques d’au moins 10 % sur les importations (et pas mal plus pour la Chine spécifiquement), mettre fin aux impôts sur les pourboires, diminution drastique de la taille de l’état ou encore mettre fin à la guerre en Ukraine en 24 heures, ce qui ne serait certainement pas à l’avantage de l’Ukraine.

D’autres promesses s’attaquent à la vie démocratique des Américains comme se venger de ceux qui l’ont « harcelé » pendant les quatre dernières années (traquer les ennemis de l’intérieur avec l’aide de l’armée si nécessaire), une première journée de pouvoir sous le signe de la dictature ou encore remettre les médias à leur place (ceux qu’il appelle les fake news media).

Et il y a celles qui s’attaquent à la transition énergétique comme mettre de côté les efforts pour faire la promotion des véhicules électriques, augmenter l’exploitation des sources d’énergie fossiles et se retirer de l’Accord de Paris sur le climat (encore).

Si seulement 50 % de ces promesses sont tenues – et l’équipe qu’il met en place semble taillée sur mesure pour cela – on peut se demander quelles transformations la démocratie subira pendant son passage à la Maison Blanche, et quel sera le nouveau visage des États-Unis en 2028.

Les marchés boursiers s’expriment

L’élection s’est vite réglée. Dès la nuit de mardi à mercredi, la victoire républicaine était annoncée. Pas d’incertitude, pas de suspense; les marchés boursiers ont apprécié et se sont appréciés. Depuis la date de l’élection, le Dow Jones a gagné plus de 2 000 points, dont un peu plus de 1 500 le 6 novembre seulement.

Mais reste à voir comment ces mêmes marchés boursiers réagiront lors des quatre prochaines années d’instabilité, d’incertitude, de paix menacée (intérieure et internationale), de refus d’agir contre les changements climatiques, et de relations commerciales internationales troubles et tendues dans certains cas. Sans compter l’impact sur l’inflation et le pourvoir d’achat des Américains si Trump tient ses promesses concernant les tarifs douaniers.

Une autre femme sacrifiée à l’autel du masculinisme et de la démocratie

Kamala Harris avait la possibilité de devenir une étoile. Mais finalement c’était une comète et, comme toutes les comètes, elle a contourné le soleil, elle a brillé, et elle est retournée d’où elle venait.

Et le sort souvent réservé aux candidats battus est qu’ils ne réussissent pas à se faire réélire candidats de leur parti aux primaires suivantes, traînant derrière eux la défaite de leur dernier passage.

Et Kamala Harris est une femme. Après Hilary Clinton, en 2016, les Américains et les Américaines aussi n’ont pas jugé bon de lui confier le pouvoir. Car ce bout-là était des plus navrants : certainement que bien des hommes ont clairement exprimé que les États-Unis n’étaient pas prêts pour une femme présidente et cheffe des armées, mais les femmes aussi l’ont dit.

La liste de ces femmes qui ont tenté de devenir candidate pour leur parti est plus longue que l’on ne pourrait l’imaginer (considérablement plus courte que la liste des hommes toutefois) si l’on considère tous les partis politiques et les candidatures indépendantes. [3] Pour les années 2000, et pour les deux principaux partis seulement, une dizaine de femmes ont tenté le coup, mais deux seulement ont réussi. Dans le cas de Kamal Harris, en plus de devenir la deuxième femme à être candidate de son parti pour la présidentielle (après Hilary Clinton), elle est devenue, en 2021, la première femme Vice-présidente des États-Unis.

Les Américains et Américaines ont claqué la porte au nez non seulement de Harris, mais pour encore plusieurs années, voire décennies, à l’idée qu’une femme accède à la présidence, chez les Démocrates du moins. L’enjeu pour Harris était plus grand que celui de la présidentielle de 2024 seulement. C’était aussi la nomination, dans un avenir envisageable, d’une femme comme candidate à une prochaine élection. Et la faisabilité du concept n’a pas été prouvée, une fois de plus.

Comment gagner une élection?

Pour gagner une élection, il ne suffit pas, et de loin, d’avoir raison et de dire la vérité. Il faut avoir les votes. Le 5 novembre dernier ces votes se sont gagnés, à mon humble avis, par des actes de perversion massive de l’opinion publique. Le rôle d’Elon Musk fera que l’on se demandera encore longtemps si un milliardaire s’est acheté une élection. Et ce n’est pas pendant le mandat du 47e président que les règles du financement électoral vont changer.

Il n’y a pas que l’argent qui influence l’opinion publique. La liberté d’expression, constitutionnellement protégée, inclut aussi la liberté de mentir. On ne vit pas dans un monde utopique où l’opinion publique se forge sur l’enclume rigide de la vérité. Elle se forge sur les perceptions, les apparences, les préjugés, les croyances extrêmes, mais fermes, même si elles sont le fruit de mensonges et de demi-vérités.

En 1972, Staley Cohen parlait de panique morale. Est-ce que les États-Unis, et d’autres pays aussi, vivent actuellement un tel épisode de panique morale? Droite et gauche, positions extrêmes ou moins, ne s’affrontent plus sur les mérites des concepts politiques, sociaux et économiques (ou si peu et, disons-le, de façon souvent insignifiante) propres au conservatisme ou au libéralisme. Ils s’affrontent sur la création d’une opinion publique où les adversaires de l’un et de l’autre n’ont plus aucun mérite parce qu’ils ne sont que l’incarnation du diable.

Sources

[1] https://www.politifact.com/truth-o-meter/promises/trumpometer/?ruling=true
[2] https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/823449/trump-ramenera-tsar-frontieres-tete-agence-responsable-immigration
[3]https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_female_United_States_presidential_and_vice_presidential_candidates

Je m'abonne à l'infolettre

« * » indique les champs nécessaires

Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.

Je m'abonne à l'infolettre

Modifier mes préférences
+

Nous utilisons des cookies pour faciliter votre navigation et activer certaines fonctionnalités. Vous pouvez consulter des informations détaillées sur tous les cookies dans chaque catégorie de consentement ci-dessous.

Témoins fonctionnels (Obligatoires)

Ces témoins sont essentiels au bon fonctionnement de notre site Web; c’est pourquoi vous ne pouvez pas les supprimer.

Témoins statistiques

Ces témoins nous permettent de connaître l’utilisation qui est faite de notre site et les performances de celui-ci, d’en établir des statistiques d’utilisation et de déterminer les volumes de fréquentation et d’utilisation des divers éléments.

Témoins publicitaires

Ces témoins sont utilisés pour fournir aux visiteurs des publicités personnalisées basées sur les pages visitées précédemment et analyser l'efficacité de la campagne publicitaire.

Refuser
Confirmer ma sélection
Nous prenons à coeur de protéger vos données

Ce site utilise des cookies (fichiers témoins), déposés par notre site web, afin d’améliorer votre expérience de navigation. Pour plus d’information sur les finalités et pour personnaliser vos préférences par type de cookies utilisés, veuillez visiter notre page de politique de confidentialité.

Accepter tout
Gérer mes préférences