Un éventuel retour de Trump à la Maison Blanche ne sera pas seulement une source d’inquiétude pour leurs partenaires commerciaux, politiques et militaires. Il le sera aussi pour la population américaine.
Contrôle des armes à feu
Alors que les démocrates, Biden en tête, auraient aimé mettre en place des lois plus restrictives sur l’acquisition et la possession des armes à feu, ils n’ont pas vraiment réussi. Aux États-Unis, il y a plus d’armes en circulation (enregistrées) que de citoyens. À Dallas, le samedi 18 mai dernier, Trump s’est adressé à la NRA (National Rifle Association) et a obtenu l’appui de cette organisation pro-armes à feu, incluant les armes semi-automatiques qui sont celles ayant fait le plus de victimes aux États-Unis.[1] Si Trump reprend le pouvoir, au mieux rien ne bougera de ce côté, au pire, à vous d’imaginer.
Réforme de la cour suprême
À la suite des nominations partisanes de Trump à la Cour suprême, il y a maintenant 6 juges conservateurs (très) et trois juges démocrates. Les Américaines leur doivent l’abolition de la protection nationale du droit à l’avortement et un jugement qui protège les président-e-s de poursuites criminelles si ces crimes ont été commis dans le cadre de leur fonction.
Abandon des poursuites contre Trump
Suite à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, Trump a été mis en accusation pour plusieurs offenses criminelles et civiles. S’il est élu Président, on peut compter sur le fait qu’il s’auto-pardonnera pour plusieurs de ces offenses et qu’il ordonnera l’arrêt des procédures pour d’autres. Il pardonnera aussi, probablement, à certains de ses acolytes et à des participants inculpés et condamnés dans cette tentative de sabotage des élections.
Relations internationales
Trump croit que la Russie, la Chine et la Corée du Nord le respectent. Pas certain… Plusieurs sont plutôt d’avis qu’il est leur instrument. Et il reste que bon nombre de pays, y compris les principaux alliés, préféreraient peut être une présidente américaine plus facile à apprécier. Trump prétend aussi que s’il avait été au pourvoir, il n’y aurait pas eu d’invasion de l’Ukraine et que le conflit entre Israël et les Palestiniens serait déjà terminé. Il a aussi dit que s’il prenait le pouvoir en 2024, il règlerait tout cela en un rien de temps. Si ça lui fait plaisir de le penser… Mais attendez-vous tout de même à ce que rien ne change et que l’attitude d’Israël y sera pour beaucoup plus que la pensée magique de Trump. Et pour le Canada, avec Trump, les États-Unis resteront davantage un embarrassant qu’un ami fréquentable. Mentionnons aussi ses menaces de retirer l’aide américains à l’Ukraine et de quitter l’OTAN.
Les migrants
En une phrase, Trump promet une expulsion massive de migrants illégaux, la plus grande expulsion de l’histoire. Selon ses propres mots, il ne veut plus de ces criminels, malades et évadés d’asiles qui souillent le sang des Américains. Il veut notamment obliger les éventuels migrants à rester au Mexique pour y attendre une réponse à leur demande d’immigration. Il veut aussi mettre un terme à l’obtention automatique de la citoyenneté américaine pour les enfants de migrants sans papier nés aux États-Unis.[2]
L’avortement
Le droit à l’avortement est un enjeu qui a suffisamment ébranlé les Américaines pour que ce segment de la population soit une épine dans le pied de Trump, mais un atout majeur pour Harris et les démocrates. Quoiqu’il en soit, Trump tente de s’en sortir en poussant le message que c’est aux états de décider. Mais tout comme pour les armes à feu, l’interdiction de l’avortement est une arme de conviction massive pour sa base électorale et s’il est élu, nul doute qu’il ne fera pas d’efforts pour que le droit à l’avortement progresse.
Fiscalité et filet social
Trump promet des réductions d’impôts pour les mieux nantis et les entreprises, et parions qu’il tiendra promesse. Le cas échéant, il restera le risque que les tensions sociales soient exacerbées, d’autant plus que la philosophie républicaine est que l’enrichissement des riches est le meilleur levier de croissance pour le pays et de prospérité pour la société, l’argument étant que l’argent des riches est réinvesti pour créer des emplois et faire tourner l’économie (théorie de la percolation vers la base). Jumelé à ses mesures protectionnistes, souvent arbitraires, qu’il affectionne tant et qui sont pourtant une cause d’inflation à considérer, disons que ça ne sera pas gagné d’avance pour la classe moyenne et les moins favorisés.
L’énergie
Un désir farouche de Trump est de diminuer le coût de l’énergie pour les Américains, ce qui risque évidemment d’être néfaste pour l’environnement et aussi pour l’économie. Les États-Unis sont un des pays qui sont lourdement touchés par les dérèglements climatiques avec des ouragans de plus en plus nombreux et de plus en plus puissant qui touchent terre sur leur territoire. La destruction des infrastructures et des habitations, Les pertes en vies humaines et la dévastation des habitats naturels engendrent des coûts faramineux pour les assureurs, pour le gouvernement et pour la société en général. Trump ne porte ses lunettes pour filtrer la lumière pendant les éclipses solaires; il les porte pour ne pas voir les catastrophes naturelles liées aux changements climatiques.
Environnement
Au tout début de son mandat, en juin 2017, Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris. À son arrivée, Biden a renversé la décision, mais si Trump reprend le pouvoir, il ne faudra pas être surpris qu’il reprenne là où il en était. Pendant son mandat, l’administration Trump a aussi, selon The New York Times, éliminé plus de 100 lois et règlements environnementaux.[3] Bref, Trump n’est pas, et ne sera jamais, le plus grand défenseur de l’environnement, quoi qu’il en coûte aux Américains qui, année après année, subissent les conséquences sévères des dérèglements climatique (ouragans, incendies, sécheresses). Et il en coûte cher, tel que mentionné au paragraphe précédent.
Gestion de crise
La Covid fut une crise mondiale extrême qui a énormément divisé et fait souffrir les Américains. Il est quasiment inévitable qu’un mandat présidentiel soit bouleversé par de telles crises (par toujours d’une telle ampleur). Elles peuvent être financières, sociales, sanitaires, météorologiques, politiques, militaires, constitutionnelles, … Le risque demeure présent et finit toujours par se concrétiser. Or, Trump ne s’est pas montré ni le plus compétent, ni le plus rassembleur, ni le plus rationnel dans la gestion de la Covid. Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup plus à attendre de sa part, quelle que soit la nature d’une éventuelle crise majeure à laquelle il serait confronté.
La démocratie
Son étrange affirmation, devant une assemblée chrétienne, que s’il était élu, ils n’auraient plus à voter… Sa réponse à un journaliste qui lui demande s’il serait un dictateur : le premier jour seulement… Son mépris envers la loi qui entraîne dans son sillage sa base militante qui fait sienne cette disqualification du système judiciaire… Ses mensonges éhontés qui sont semés à tout vent, y compris « le grand mensonge » des élections volées de 2020 qui s’étend jusqu’aux élections de novembre 2024 pour lesquelles il affirme que s’il n’est pas élu, c’est qu’elles lui auront encore une fois été volées… La menace de Project 2025… Et Elon Musk (voir La Presse du 15 août 2024)…
Un grand remplacement
Le possible futur 47e Président laisse sérieusement entrevoir un changement de garde important dans les postes administratifs du pays, tel que demandé dans le fameux document Project 2025 qu’il dit ne pas appuyer formellement, mais dont le contenu pourrait très bien faire son affaire une fois élu.[4][5] Project 2025 est un document de près de 1000 pages de propositions d’orientations et de politiques de droite. Il a été conçu et publié par la Heritage Foundation, un think tank conservateur de droite qui agit en tant qu’influenceur (le mot est faible) des politiques conservatrices américains depuis 1973.[6]
La réélection de Trump n’est cependant plus la quasi-certitude qu’elle était
À un peu moins de deux mois du jour de l’élection, et en contraste avec la situation qui prévalait en mai et en juin, la candidature démocrate n’est plus Biden, mais Kamala Harris. Et son colistier est Tim Walz, gouverneur du Minnesota, au charisme extraordinaire et tout aussi jovial que Harris. Cette paire forment tout un happy ticket ! Et que dire de la convention d’investiture des démocrates qui a eu lieu du 19 au 22 août dernier? Un ralliement rarement vu autour d’une candidate qui n’était pas dans le portrait quelques semaines plus tôt.
La donne a beaucoup changé et la réélection de Trump n’est plus si probable qu’elle ne l’était au printemps. Aussi rapidement que trois semaines après la venue de Harris, les sondages montraient une remontée fulgurante et significative des démocrates au vote populaire. Alors que Biden était le candidat démocrate, les républicains avaient une avance moyenne de 2 points de pourcentage (variable selon les sondages) sur les démocrates. Le 16 août 2024, le site 538[7] affichait une avance moyenne des démocrates sur les républicains de 2,7 points de pourcentage et au moment d’écrire ces lignes, cette avance est de 3,1 points.
Pour ce qui est des états pivots (ceux qui ont de grandes chances de décider du prochain président), la remontée des démocrates est, elle aussi, impressionnante. Ces états sont la Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin, la Georgie, l’Arizona, la Caroline du Nord, le Nevada et la Virginie. Selon Silver Bulletin[8], dans tous ces états, les gains des démocrates ont été notables, affichant des remontées sur un mois (mi-juillet à mi-août) entre 4 et 10 points de pourcentage. Même la Floride voit les démocrates gagner du terrain (5 points de plus pour la même période) !
Le « trumpisme »
Même si Trump n’est pas élu, le « trumpisme » continuera de diviser les américains et d’attiser les braises de la violence, de l’extrémisme, du racisme et de l’idéologisme de SCOTUS (Supreme Court of the United States). Les Américains devront d’autant plus « faire avec » comme on dit, que pour remettre de l’ordre, la constitution américaine elle-même est la clé de voûte.
Et modifier cette constitution n’est pas une mince tâche. Un ou des amendements éventuels doivent être proposés par un vote des deux tiers de chacune des Chambres du Congrès (Chambre des représentants et Sénat) ou par les deux tiers des États. Ce n’est pas demain la veille…
Les deux chambres sont évidemment des lieux où la partisanerie fait loi. Même si un des deux partis parvenait à mettre la main à la fois sur la présidence, sur le Sénat et sur la Chambre des représentants (tiercé qui se produit à l’occasion), de pouvoir compter sur les deux tiers des élus pour appuyer une proposition d’amendement nécessite à toutes fins pratiques que ces élus appartiennent au même parti. Cela est passé près sous Jimmy Carter en 1977-1979 et Gerald Ford en 1975-1977. Mais la dernière fois que les deux chambres étaient sous le contrôle du même parti par une majorité des deux tiers était sous la présidence du démocrate Lyndon B. Johnson en 1965-1967, il y a donc près de 60 ans de cela!