C’est aux éditions La Mèche que Joël Martel signe son premier roman de type autobiographique. Cet homme, issu du milieu des variétés, nous a en effet offert en avril dernier un court collage de souvenirs intitulé Comme un long accident de char. Dans un style direct, l’auteur explore les thématiques de la mort et des relations père-fils.
De père en fils
Le roman nous transporte tout de suite dans l’action. On ne sait pas grand-chose, à part que le père est en train de mourir et qu’il faut se dépêcher. Dès le début se dessine cette relation entre Joël et Jici, son père, qui donne le ton. Loin d’être parfait, Jici a toujours tenté d’être présent, malgré une séparation et des affaires pas toujours légales. L’apparition de ce père moribond plonge notre narrateur dans un long colloque avec les morts. Comme autant de fragments, les souvenirs se dévoilent : ami-es, parent-es, collègues. Chacun de ces personnages mérite son histoire, comme des petites nouvelles dont Jici reste le fil rouge. Tous les décès ramènent à ce père à qui on doit dire adieu.
Le livre se fait sentir comme une réflexion intergénérationnelle. Dans la nature de la relation entre Joël et Jici il y a cette volonté de transmission, de legs d’un père à son fils. Joël est ainsi comme un pivot entre son père et son propre fils, Charles. En ce sens, le livre sert presque de testament à ce fils. Certaines des plus belles pages du livre sont d’ailleurs composées autour de cette relation père-fils, et Jici parle de la vie, de l’amour et de choix déchirants.
L’unique certitude

Comme un long accident de char, de Joël Martel, est publié aux éditions La Mèche. 137 pages. Photo : Alexis Lambert
C’est aussi un livre sur la mort. Dès le début, on sent l’atmosphère oppressante et terrifiante de la malchance et de la maladie. Même si son style est direct, Martel est capable d’évoquer la mort sur un ton à la fois tragique et comique, ce qui plaira aux fans d’humour noir : « La première fois que mon père a eu le cancer, il était en plein procès pour trafic de cocaïne. » Quand la mort frappe, c’est souvent en premier lieu les grands-parents. Ce sont aussi parfois des ami-es, rongé-es par l’abus de substances psychotropes, ou des collègues, qui n’ont pas échappé à une maladie incurable. Chaque histoire a sa chute abrupte, accompagnée d’un rire jaune. L’auteur crée une distance avec la réalité, distance qui semble diminuer à mesure que le père lui-même se rapproche de la mort. Martel émet aussi l’idée que, dans certains cas, il est peut-être mieux de partir, de ne pas étirer la maladie.
Ce premier roman est une belle réflexion. Assez court et concis, Comme un long accident de char reste une lecture intéressante dans le paysage littéraire québécois et s’inscrit dans la mode des récits semi-autobiographiques au narratif non conventionnel. On retrouve beaucoup de potentiel chez Martel, grâce à un style affirmé et à un regard sincère, deux atouts qui peuvent conduire au succès.