Lorraine Beaulieu – Chronique culturelle – Novembre 2020
Les artistes ont besoin de lieux de création, d’espaces dans lesquels ils peuvent développer leurs expérimentations et l’observation de leur recherche, et d’échanger avec d’autres artistes. Nous avons dans notre région, plusieurs centres d’artistes formés sur le modèle de la coopérative ou autres associations plus informelles. Cependant, il y a un manque criant d’espaces regroupant des ateliers pour les artistes qui veulent travailler isolés dans leurs espaces de travail tout en étant à proximité d’autres artistes.
Et ici je veux parler de la communauté des artistes en arts visuels, une communauté dynamique qui se manifeste régulièrement par le biais d’événements, expositions et biennales, que la population en général connait pour en avoir profité à un moment ou un autre.
Il est important pour un artiste professionnel, de pouvoir compter sur des ressources correspondant à ses besoins de création et en même temps de pouvoir échanger, de se regrouper en collectifs ponctuels. Ces échanges produisent de la réflexion pour les regardeurs et de l’émulation favorable à la créativité pour les créateurs.trices. Nous avons la chance d’avoir plusieurs centres d’artistes dans la Mauricie : l’Atelier Presse-Papier et l’Atelier Silex de Trois-Rivières, De La Factrie au dessin, L’Association Filrouge à Shawinigan, et aussi le Centre Culturel Sakihikan à La Tuque. Chacun de ces lieux se concentre sur un champ d’expression artistique particulier et offre du soutien pour le développement de la carrière de leurs membres ou locataires.
Contrairement à cette offre généreuse de regroupements artistiques, la région manque d’espaces individuels vastes, faisant office d’atelier d’artistes et offrant la possibilité d’un usage sans restriction quant au bruit, à l’utilisation des murs, plafonds et planchers. Il est important pour un artiste en arts visuels par exemple, de laisser à la vue pendant des périodes plus ou moins longues, ses recherches en cours, ses expérimentations, et de les observer jusqu’à ce qu’elles révèlent leur langage et leur symbolique l’amenant à se dépasser et à évoluer dans sa démarche.
L’atelier individuel contribue au développement de la carrière de l’artiste et influence sa production, car les dimensions de l’atelier vont influencer inévitablement le format des œuvres qui y seront produites.
Plus d’un artiste rêve de ces grands espaces, souvent d’anciennes manufactures ou industries fermées. Malgré le passé industriel de notre région, il reste peu de ces architectures aux plafonds hauts et aux vastes espaces. Un bel exemple de ces espaces industriels récupéré en atelier d’artiste est De La Factrie au dessin de Shawinigan, où se réunissent plusieurs artistes. C’est l’un de ces espaces aménagés en atelier de création que l’artiste Danielle Julien utilisait entièrement au départ, et qu’elle partage maintenant depuis environ dix ans avec d’autres artistes. Une dizaine d’espaces individuels de création dans un immense espace commun. Il arrive aussi que d’anciennes écoles servent d’atelier pour des artistes, comme à Shawinigan avec l’école St-Bernard et l’école La vie, ou à Trois-Rivières avec l’école St-François-Xavier. Mais c’est trop peu !
Après les bâtisses industrielles, est-ce que nos églises ne pourraient pas devenir des regroupements d’espaces pour nos artistes pour combler ce manque ? Bien sûr, ces constructions demanderaient des travaux d’aménagements, mais la transformation de quelques-unes de nos églises désaffectées en regroupements d’ateliers pour artistes permettrait du même coup de sauver notre patrimoine architectural religieux qui constitue une part incontournable de la culture du Québec. En Mauricie, les artistes ont besoin d’espaces d’atelier bien à eux et adaptés à leur besoin. Actuellement, ces espaces sont rares et éparpillés dans le territoire.
Une offre d’ateliers d’artistes à des coûts modiques, et la récupération de nos églises, voilà de quoi réfléchir qui pourrait faire d’une pierre, deux bons coups !