Logement et communauté

Alors que je suis à Shawinigan, à m’intéresser aux enjeux qui touchent notre communauté, un nom revient souvent dans les discussions : Mathieu Gélinas, directeur général du Centre d’action bénévole Trait d’Union. Un type qu’on apprécie pour ses idées ingénieuses et son engagement. Je l’ai donc rencontré avec son équipe qui fait bouger les choses d’une façon créative et accessible.

En entrant dans le bâtiment, on remarque que le Centre d’action bénévole Trait d’Union est un espace qui inspire et met à l’aise, un endroit où on sent qu’on prend les choses au sérieux. Prêt à entamer l’entrevue, Mathieu est assis devant moi, avec un sourire franc et accueillant. Il a cette énergie qui fait qu’on comprend tout de suite pourquoi son nom revient souvent quand on parle d’engagement communautaire ici. 

La Gazette – Quelles ont été vos récentes initiatives qui ont suscité l’intérêt de la communauté autour de la crise du logement ?

Mathieu Gélinas – Au Centre, on a pris la décision d’être des acteurs de changement face à la crise du logement parce que c’est un enjeu qui touche tout le monde, peu importe l’âge ou le milieu. Depuis deux ans, on multiplie les actions pour sensibiliser le public et défendre les droits au logement : manifestations, séances d’information, ateliers pour encourager les gens à mieux comprendre leurs droits.

Récemment, on a introduit un volet d’éducation populaire pour toute la communauté, des enfants aux personnes âgées, pour donner vie à nos messages. Une initiative marquante a été la création de petites maisons artistiques en carton. Lors d’un bazar, en septembre, des gens se sont rassemblés dans un parc avec des pots de peinture, des pancartes et une grande dose d’enthousiasme. Les bénévoles, les enfants, les passants, tout le monde a mis la main à la pâte pour partager sa vision de l’habitation. Ce moment de création collective a permis à tout le monde de réfléchir ensemble à la place du logement dans notre société.

Ensuite, on a installé ces petites maisons à un coin de rue fréquenté à Shawinigan. Leur présence capte le regard des gens qui passent, les interpelle. C’est une œuvre qui invite à la réflexion : quel modèle d’habitation veut-on pour demain ? En même temps, elle montre que la solidarité peut s’exprimer de façon pacifique et créative. Bientôt, ces petites maisons seront « hivernées », prêtes à reprendre leur rôle dès que les beaux jours reviendront.

La Gazette – Quelle a été la bougie d’allumage pour votre implication dans la crise du logement ? Qu’est-ce qui vous a donné le déclic pour devenir quelqu’un d’influent dans ce domaine ?

Mathieu Gélinas – Notre engagement est né d’un besoin concret, vécu par des personnes proches de nous. Il y a environ un an et demi, plusieurs des personnes âgées qui sont bénévoles au Centre ont été confrontées à des évictions. C’était bouleversant de les voir perdre leur sécurité, alors même qu’elles avaient consacré une grande partie de leur vie à aider la communauté. À ce moment-là, on a senti qu’on ne pouvait pas rester les bras croisés. Rien ne semblait se passer pour les aider, alors on a pris la balle au bond et décidé de se mobiliser.

Au départ, on a lancé des séances d’information pour rappeler aux gens leurs droits en matière de logement. Ces séances sont devenues un moment fort pour redonner du pouvoir à celles et ceux qui en avaient le plus besoin. Ensuite, ça a évolué : des manifestations pour attirer l’attention sur l’urgence de la crise, des escouades de bénévoles pour accompagner les citoyens et citoyennes. Chaque geste a renforcé notre conviction que tout le monde peut changer les choses.

Aujourd’hui, cette implication nous a permis d’aller plus loin. Grâce à notre mobilisation et à celle d’autres acteurs, un comité a été formé en collaboration avec la Ville et des groupes communautaires pour défendre les droits au logement. Cela montre bien que des petites actions répétées finissent par avoir un impact réel.

À lire aussi : L’essence de l’art communautaire : entre processus et transformation sociale

La Gazette – Qu’est-ce qui vous rend fier d’avoir utilisé ce type de représentation créative pour faire passer votre message sur la crise du logement ?

Mathieu Gélinas – Ce qu’on fait, ce n’est pas une action violente, mais elle est marquante. Les petites maisons artistiques, installées en plein cœur de Shawinigan, captent le regard des gens et les invitent à réfléchir. C’est comme un rappel silencieux de la crise du logement, une invitation à se questionner sur ce que le logement signifie pour nous. Et le fait de passer par l’art permet d’ouvrir la conversation de manière douce mais puissante.

Ces petites maisons, c’est aussi un moyen de rassembler. Souvent, on pense que cette crise ne nous concerne pas, mais elle touche tout le monde, directement ou indirectement. En 2024, la question du logement est une responsabilité collective. À travers cette démarche, on a voulu créer un espace où chaque personne peut exprimer sa vision, ses inquiétudes, ses idées. C’est devenu un symbole de solidarité, de communauté.

Ces actions, même modestes, nous montrent qu’il est possible de faire bouger les choses et de rassembler la communauté autour d’un enjeu qui nous concerne tous et toutes. C’est ça notre fierté : avoir contribué, à notre échelle, à susciter des réflexions et à encourager le dialogue, pour qu’ensemble, on puisse rêver d’un Québec où chaque personne a un toit.