
La dernière semaine…
Taxe, taxe pas. Tout de suite? Non, le 2 avril. Et pourquoi pas des nouveaux tarifs de 250 % sur le lait. Et le bois d’œuvre? Va-t-il falloir se fendre en quatre pour faire comprendre à M. Trump que son pays aussi est en crise du logement et que ce n’est pas le temps de faire augmenter le coût des constructions neuves?
On pourrait continuer de la sorte encore longtemps, mais c’est clair : Trump est un générateur naturel de récessions artificielles. Ça donne une bonne idée de ce qui attend le nouveau chef du PLC, Marc Carney. Incertitude, menaces, incohérences et, au tournant, allez savoir…
Parlant de Mark Carney, il arrive en poste avec un appui de 86 % des votes, des troupes énergisées, des candidats qui attendaient l’identité du nouveau chef pour confirmer leur participation aux prochaines élections et des intentions de vote qui continuent de progresser.
Un sondage Ekos, publié le 6 mars, montrait, à l’instar d’autres sondages récents, que les libéraux talonnaient – dépassaient même– les conservateurs avec un pourcentage de 41 % contre 36 % pour les troupes de Poilievre, sans supposer, au moment du sondage, que Mark Carney serait le chef du PLC. À très court terme, cette officialisation devrait gonfler les intentions de vote des Libéraux.
Selon les données agrégées des sondages, les Conservateurs affichent toujours une légère avance, mais les beaux jours où ils caracolaient en tête avec 20 points d’avance, voire davantage (mi-janvier), ne semblent qu’un souvenir qui risque de ne pas leur être d’un grand réconfort. Alors que la majorité leur était acquise, le paysage politique canadien est en train de se métamorphoser. Si le rattrapage libéral se poursuit, c’est le PLC qui, contre toute attente, pourrait reprendre le pouvoir.
Un sondage Léger, paru au début du mois de mars, montre aussi que les électeurs masculins supportent davantage les conservateurs que les électrices (par une marge d’un peu plus d’une dizaine de points de pourcentage), et inversement pour le NPD.
Par province
Le mouvement dans les intentions de vote profite, encore cette semaine, au PLC. Les libéraux affichent des gains dans toutes les provinces et le PCC est en perte de terrain, surtout dans l’Atlantique et à l’ouest de l’Ontario.
Au Québec, les gains libéraux de cette semaine semblent provenir de pertes pour le Bloc. Il faudra donc surveiller si Marc Carney, au nom de la solidarité canadienne face États-Unis, saura convaincre les Québécois de voter rouge plutôt que Bloc. Pour les provinces à l’ouest de l’Ontario, le PCC a perdu des plumes, au profit du PLC, au Manitoba et en Saskatchewan (les Prairies), mais surtout en Alberta et en Colombie-Britannique où le recul des Conservateurs est de 5 et 4 points de pourcentage respectivement.
Jasons des enjeux
Les deux chefs de parti ont à relever certains défis qui leur sont spécifiques, dont ceux de la communication et de l’image. Pour Pierre Poilievre :
- le français n’est pas sa force;
- son attitude hargneuse risque de déplaire, une fatigue et une anxiété s’installant en regard du modèle Trumpiste;
- il va devoir donner des détails concrets sur son programme politique plutôt que de dénigrer celui des autres partis, et s’expliquer quant à certains passages de son énoncé politique de septembre 2023;
- il va devoir démontrer qu’il a assez de patience pour tenir tête à Trump et ne pas s’en faire un ennemi;
- il devra aussi trouver une solution pour contrer la remontée des libéraux et cristalliser le peu d’avance qu’il lui reste.
Concernant Marc Carney :
- selon les rumeurs, Carney demanderait rapidement à la Gouverneure générale de dissoudre le parlement (bien avant le 24 mars, date de fin de la prorogation), ce qui le forcera à entrer dans l’arène de la campagne électorale avec un minimum de préparation; [1]
- le français n’est sa force à lui non plus, moins que Poilievre même;
- il aura à compléter rapidement sa liste de candidats pour les 343 circonscriptions électorales;
- il devra démontrer qu’il a assez de vigueur pour tenir tête à Trump;
- il aura à développer une plate-forme électorale qu’il sera capable de vendre;
- il devra faire progresser rapidement les intentions de vote en faveur du PLC dans une campagne électorale qui risque d’être déclenchée dans très peu de temps, alors que Poilievre est déjà en train de mener la sienne.
Ce que veulent – et ont besoin – les Canadiens, peu importe le parti au pouvoir
Maintenant, tant pour Poilievre que pour Carney, ils devront montrer qu’ils comprennent les enjeux de base qui préoccupent les Canadiens. Selon un sondage Angus Reid publié le 5 mars [2], le coût de la vie et l’inflation sont la préoccupation principale (49 % des répondants), suivi de la santé (41 %) et, en troisième place, des relations avec les États-Unis, incluant les tarifs douaniers (34 %).
Mais ce n’est pas tout. Les temps sont inquiétants et pour ce qui est des États-Unis, les électeurs sont de plus en plus préoccupés. Voici ce qu’en dit un sondage Léger auprès de la population canadienne, dont les résultats ont été publiés le 5 mars dernier [3] :
- les sanctions commerciales des États-Unis préoccupent 82 % des répondants;
- nombreux sont les Canadiens qui surveillent la provenance de leurs achats (~65 %);
- ils trouvent que les prix à la consommation ont augmenté (81 %);
- ils développent une crainte de perdre leur emploi (39 %);
- ils vivent d’une paye à l’autre (44 %);
- de façon surprenante, ils estiment que le pays est actuellement en récession (54 %) – même combat que les Démocrates lors de la campagne américaine de l’automne dernier !
Évidemment, les deux chefs auront à se préoccuper de Donald Trump et à conjuguer avec un électorat de plus en plus anxieux. Ils devront mener leur troupe en montrant qu’ils sont la meilleure option pour affronter le Président américain et trouver des réponses, pour les Canadiens, à des questions dont ils ignorent encore la teneur. Car il ne faut aucunement douter que Trump lancera quelques chats morts sur la table, entretiendra l’indignation des Canadiens et multipliera les revirements déstabilisants. Le maintien de la solidarité canadienne pour tenir tête à Trump sera certainement un enjeu important. Les deux chefs de parti dans la course devront être rassembleurs, ce qui ne sera peut-être pas si simple, surtout pour Poilievre.
Ils devront aussi démontrer qu’ils protégeront coûte que coûte la souveraineté géographique et législative face à une administration Trump qui n’aime pas la TPS, qui voit dans le déficit commercial avec le Canada un système de généreuses et injustifiées subventions pour notre pays, qui est allergique à nos mesures de gestion de l’offre, et qui s’en prend au prix du bois, de l’acier et de l’aluminium. Dans le cas des produits laitiers par exemple, Trump met beaucoup de pression pour que le marché Canadien soit ouvert et non-assujetti à une gestion qui stabilise les prix pour les consommateurs et les revenus pour les producteurs (en place depuis plus de 50 ans). Si cette gestion venait à disparaître, ce sont les producteurs laitiers qui seraient sacrifiés à l’autel d’un capitalisme sauvage.
Ces derniers enjeux sont cruciaux pour l’avenir du Canada. Sans délaisser les enjeux traditionnels, les partis politiques devront impérativement s’y intéresser de très près et se fendre en quatre pour démontrer aux électeurs que l’essence même du Canada, et de ses provinces, est tributaire d’échanges commerciaux stables et protégés au nom bu bien commun.