Marie-Christine Tessier – mars 2020
Femmes et politique municipale : entre enjeux et engagement
Les plus récentes données dans la région du Centre-du-Québec démontrent une progression de la représentation des femmes dans plusieurs secteurs d’activité. En politique, toutefois, les élues de ce territoire demeurent sous-représentées, notamment au niveau municipal (19 % de mairesses et 29 % de conseillères municipales). Au Québec, un nombre record de mairesses ont été mandatées en 2017, sans que l’on se rapproche pour autant de la parité. On peut certainement parler d’une lente évolution.
En discutant avec les quatre seules mairesses élues des MRC de Nicolet-Yamaska et de Bécancour – sur 32 municipalités – force est de constater que le panorama politique de ce territoire soulève de nombreux enjeux qui animent les discussions au-delà de la question de la présence féminine en politique municipale. Notre conversation avec les élues dégage bien plus que la lourdeur des défis.
Denise Gendron, mairesse de Sainte-Monique, a connu un premier épisode municipal entre 1985 et 2005 avant de revenir à la table du conseil aux dernières élections, tandis que Ginette Deshaies, mairesse de Sainte-Marie-de-Blandford, est de retour en poste après une pause de quelques années qui avait suivi plus d’une décennie d’implication. Julie Pressé, mairesse de Fortierville depuis près de trois ans, et Geneviève Dubois, mairesse de Nicolet depuis 2016 et préfète de sa MRC, font partie de la nouvelle vague en politique municipale.
Contraintes et motivations
Les obstacles sociologiques, psychologiques et socioéconomiques à la présence des femmes en politique ont été étudiés et démontrés. Un « environnement perçu comme hostile », où les préjugés et les stéréotypes demeurent une réalité, serait en partie tributaire de la sous-représentativité. En résulterait une impression de « plafond de verre » qui peut tenir à l’écart les femmes des conseils municipaux. Certaines de nos interlocutrices évoquent que le paternalisme et les commentaires sur le physique sont encore monnaies courantes et qu’elles doivent « prendre leur place ». Aussi, la question de la conciliation travail-vie familiale est un enjeu majeur, notamment au niveau municipal, où plusieurs élu(e)s doivent conjuguer avec leur travail, les responsabilités inhérentes au rôle d’élu(e) et la vie familiale. Les politiciennes rencontrées ont toute expérimenté la notion de sacrifice familial. Dans ce contexte, on peut se demander comment promouvoir une plus grande participation des femmes à la vie politique. Geneviève Dubois motive son choix de carrière :
« Si le bien-être collectif te préoccupe, c’est le palier le plus intéressant, le plus proche des gens. On a la possibilité de transformer nos communautés. Je suggère quand même d’attendre le bon temps, d’être libérée de nos charges pour ne pas vivre de culpabilité ».
Ses collègues partagent le même avis : c’est la passion et les enjeux de leurs municipalités qui expliquent leur cheminement. Au-delà des embûches identifiées, elles soulèvent en chœur que l’on met souvent l’accent sur les difficultés et pas assez sur la valeur ajoutée d’une carrière politique.
Un réseau d’entraide
Mme Gendron et Mme Deshaies, toutes deux expérimentées à la mairie de petites municipalités, s’entendent néanmoins sur le fait que la charge de travail est beaucoup plus imposante aujourd’hui. En contrepartie, leur rémunération est demeurée quasi-symbolique. Les quatre élues se questionnent également sur le manque de relève, conséquence de l’implication politique défaillante et du peu de temps consacré à l’exercice citoyen.
Les notions de soutien et d’entraide restent une force des mairesses des MRC de Bécancour et de Nicolet-Yamaska. Geneviève Dubois est membre du comité Femmes et gouvernance de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), alors que Mme Pressé siège sur le comité Femmes et politiques municipales à la Fédération québécoise des municipalités (FQM). Elle a aussi initié un groupe virtuel de réseautage et de soutien entre les élues du Québec dans le but d’échanger, de partager des outils et de discuter de la « réalité de vivre la politique au féminin ». Fait à noter, la Table de concertation du mouvement des femmes Centre-du-Québec, avec son projet Femmes & pouvoir, vise aussi entre autres, à outiller les élues et à accroître le nombre d’élues.
Malgré que la parité soit encore loin d’être atteinte, l’évolution de certaines pratiques et l’ancrage au territoire demeurent un dénominateur commun pour poursuivre l’engagement politique. Ginette Deshaies soulève que même si « tu n’as pas beaucoup de temps pour toi, que c’est ardu, la passion vient tout combler ». Et, si l’implication politique n’est pas le véhicule souhaité, Mme Gendron considère que « l’apport des femmes militantes est autant considérable ». Tous les chemins peuvent mener au développement du milieu.
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http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs2282173
https://www.femmescentreduquebec.qc.ca/