Luc Drapeau, mai 2018
Pour ces mélomanes aventureux avides d’expérimentation et pour ces irréductibles qui restent froids devant la programmation des festivals habituels qu’ils jugent trop prudente, le Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV), dont la 34e édition se déroulera du 17 au 20 mai, se révèle l’endroit tout indiqué.
Avoir les idées larges
Il va de soi que vous ne vous rendez pas dans un festival de ce genre pour vous trouver en terrain connu… et moins encore pour entendre une chanson qui a fait le top 10 des radios commerciales récemment. De là l’importance, si vous n’êtes pas un initié, d’avoir les idées larges et de vous montrer ouvert aux ambiguïtés sonores pour apprécier l’expérience. Car, oui, vous aurez parfois l’impression d’être dépassés par certaines prestations — je pense notamment à l’utilisation non orthodoxe de l’alto et de la voix chez la Suissesse Charlotte Hug — tout comme vous serez peut‑être aussi métaphoriquement happé par un dix roues tonitruant en allant à la rencontre du duo de Japonaises déjantées de Afrirampo ou du trio « rentre-dedans » de Merzbow/Gustafsson/Pandi. Dans le large spectre couvert par le festival, les divers artistes et nations représentées (Suède, Russie, Japon, etc.) sont autant d’occasions d’être désarçonné, de déborder du perpétuel trio guitare/batterie/basse et d’aller au-delà des signatures rythmiques et des codes musicaux plus récurrents.
Ici comme ailleurs
Bien que nombre des artistes ayant participé au FIMAV au cours des 34 dernières années aient joui de solides réputations à l’international (John Zorn, Fred Frith, René Lussier, Anthony Braxton, etc.), ils demeurent assez peu connus dans l’espace populaire d’ici comme d’ailleurs. À l’instar des réalisateurs québécois dont il n’est pas rare d’entendre « qu’ils s’illustrent dans les festivals internationaux alors qu’ils peinent ici à profiter d’un écran plus d’une semaine », les artistes qui font évoluer notre musique dans les circuits d’avant-garde sont mal connus du public québécois. À cet égard, il importe de souligner qu’une partie de l’œuvre de Walter Boudreau, compositeur et chef d’orchestre québécois, est à l’honneur au FIMAV cette année avec un concert rétrospectif en deux temps intitulé De L’Infonie à la SMCQ (Société de musique contemporaine du Québec).
Masse critique
D’une ville à l’autre et par-delà nos frontières, les amoureux de la musique qui, passionnés et prêts à se déplacer sur de longues distances, convergent pour assister à ce rendez-vous annuel prisé forment une masse critique suffisante pour en assurer la pérennité. En effet, des visiteurs des quatre coins des Amériques et d’Europe se rencontrent chaque année pour contribuer à la survie du festival et de ces musiques expérimentales qu’ils jugent culturellement nécessaires à l’ombre des temples consuméristes qui dominent le paysage.
Si nous pouvons affirmer sans nous tromper que cette masse critique d’amateurs ne fera jamais le poids face à celle des habitués des festivals à vocation plus populaire, il n’en demeure pas moins que, par capillarité, avec le concours de bénévoles passionnés (et malgré un budget modeste), le FIMAV atteint ses objectifs.
À l’heure où la culture est appelée à se justifier à la moindre de ses manifestations, à changer de visage par souci de rentabilité, cela fait du bien de voir que le FIMAV persiste et signe en marge des courants dominants depuis 1983 avec une offre des plus marginales.