Listen to “EP 16 – François Deschamps, mes racines mauriciennes – Partie 1” on Spreaker.
Dans la vie, connaître notre histoire, ça peut passer par des écrits, des arbres généalogiques, des souvenirs cachés-beaucoup-trop-loin. Mais notre histoire, ça passe aussi par les jasettes et les rencontres. Nous sommes déjà rendus à la fin de ce magnifique projet que fut Racines Mauriciennes. Après avoir rencontré des hommes et des femmes de partout dans la région, je me suis demandé à quoi ressemblaient mes propres racines, en Mauricie. C’est donc cette rencontre-là, entre deux générations de Deschamps – mon père et moi – que je vous invite à écouter au cours de ces deux derniers épisodes de Racines Mauriciennes. François Deschamps : Mon père, mes racines. Rires, souvenirs, émotions et amour sont au menu.
Listen to “EP 17 – François Deschamps, mes racines mauriciennes – Partie 2” on Spreaker.
Quand j’étais jeune, mon père, je l’appelais Papami. Mon père, c’est un homme qui veut se montrer fort comme bien des hommes de sa génération, mais c’est aussi un grand émotif, un grand nostalgique. Et il ne s’en cache pas. C’est donc pour lui tout un événement que je lui demande de faire partie de ce balado. Et pour moi aussi, je dois l’avouer.
Les Deschamps viennent du Bas Saint-Laurent. Non, je ne suis pas de la même lignée qu’Yvon ou Martin (je ne prends pas de chance!). Mes grands-parents Lauréat et Marie-Paule (prononcé Marie-Paul) sont nés à Saint-Eusèbe, près des lignes américaines et à la frontière du Nouveau-Brunswick. Mon père a passé les premières années de sa vie dans la ville de St-Éleuthère, connue aujourd’hui sous le nom de Pohénégamook. Notre nom de famille, il ne vient pas de nulle part. Lauréat, mon grand-père, était cultivateur, tout comme Alexis, son père à lui. « Mon père aimait beaucoup les vaches… et il aimait beaucoup ma mère aussi. Eille, il tirait les vaches et chantait à ma mère : « Oh si j’avais des diamants pour te plaire » », raconte mon paternel.
Cet amour-là fut mis à rude épreuve à travers les années. « J’ai un amour qui ne veut pas mourir » comme chantait l’autre! Faillite et maladies ont, en effet, teinté les premières années de l’entreprise familiale que mon père a connues. En 1970, ils ont décidé de venir tenter leur chance en Mauricie, à Yamachiche. « Embarque les 4 enfants dans le vieux Ford : Jean-Louis, Christian, Jasmine et moi. On arrive le 27 avril 1970; à 10h15, on débarquait à la maison de Grande-Rivière-Nord. Tout est beau, le paradis terrestre toé ! Au mois de juillet 1971, on passe au feu. Un coup de tonnerre sur l’étable. On venait de faire les foins. Ma mère avait tellement peur des orages, elle avait allumé 75 000 chandelles et bonnes Sainte-Anne. Ils nous ont pas protégés ben ben, han, tu comprendras.., me raconte mon père avec le motton dans la gorge. Ma mère se lève pis dit à mon père « Lauréat, le feu est pris sur la grange ». Valérie, si tu savais, ça été un été d’enfer. On venait de finir les foins .. », ajoute mon père. Mais heureusement, la solidarité était une valeur présente à cette époque. Le maire, le curé et le village au complet se sont entraidés pour aider les nouveaux Yamachichois. D’ailleurs, quand j’effectuais la recherche d’article à ce sujet, un homme du nom de Jacques Pellerin m’a contactée pour me parler de cet événement. Monsieur Pellerin était pompier à ce moment-là et il a bien connu ma famille. Il a été chauffeur d’autobus pour la majorité de la fratrie! Et il m’a dit qu’on n’oubliait pas un Deschamps. « Belle famille que j’aimais bien! » m’a-t-il dit.
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Les années ont passé et mon père a dû s’acclimater. Nouvel environnement, nouvelles manières de faire, d’être. Ça n’a pas été de tout repos pour le jeune homme d’une dizaine d’années qu’il était. Mais son monde, sa famille, son ami Pierre Gélinas, c’est ce qui l’a aidé à passer à travers toutes les épreuves qu’un jeune homme pouvait connaître. « Lui, il le sait pas, mais il m’a sauvé lui. D’ailleurs, nos deux paires de parents sont devenus amis aussi! se souvient mon père. On n’avait pas vraiment le temps non plus de jouer au baseball avec nos amis. On devait faire les foins nous autres. Mon père pis ma mère nous ont montré à travailler, pis à pas baisser les bras. Mon père disait : Pas capable est mort, son frère s’appelle essaye! ».
Et de se relever les manches, continuer, faire son p’tit bout de chemin, je me rends compte que je tiens ça de pas mal plus proche que je le pensais. Que de foncer tête baissée, c’est pas mal Deschamps ça. Que de ne pas se laisser abattre, c’est pas mal Deschamps ça. Que le travail collectif et l’amour des siens, c’est aussi pas mal Deschamps ça. Malheureusement, encore une fois, je n’ai pas assez de mots pour relater ici l’entièreté de la rencontre. Une chose est certaine : désormais je sais que peu importe d’où on vient, notre famille, c’est nous qui la construisons. Que nos racines, c’est nous qui les formons. Que, mes racines, nos racines, comme dit mon père, sont aussi profondes qu’on veut qu’elles le soient.
Merci à David Leblanc et Dominic Brouillard qui ont été des partenaires de projet exceptionnels.
Merci à Anthony Boisvert Gagnon pour la réalisation de l’image sonore.
Merci à Chloé Germain-Therrien pour la conception de la magnifique illustration d’accompagnement.
Merci aux invité(e)s pour leur générosité.
Merci à la Steven Roy Cullen de la Gazette de la Mauricie pour la confiance. Scénariser, réaliser, animer ce balado fut pour moi un immense privilège.
Merci à vous chers auditeurs et auditrices pour votre écoute et vos partages.
Ce fut un honneur pour moi de vous accompagner dans la découverte de ces histoires de notre chez-nous. Dans ces rencontres plus humaines les unes que les autres. Racines Mauriciennes, c’est l’écoute et le partage d’histoires individuelles et collectives. C’est ce que je vous invite à faire, à votre tour, chacun de votre côté. Parce qu’au fond, la vraie histoire importante à se raconter, c’est la nôtre, ce sont les nôtres.